Mobilité durable: Les enjeux écologiques

Nos comportements ne l’indiquent pas, mais ce sont nos transports qui occasionnent les plus importantes quantités d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Ceux-ci à leur tour sont associés directement aux perturbations des systèmes atmosphères que nous connaissons comme les changements climatiques. Le secteur manufacturier de bon nombre de pays riches est fondé sur la production de véhicules de transport; suivant le modèle des pays riches, la Chine se propose d’en faire le « moteur » de son développement économique pour les prochaines décennies. Toute cette activité est intimement liée à l’industrie pétrolière, pour laquelle les transports représentent le plus important segment de marché. Dix des douzes plus importantes entreprises mondiales sont dans les secteurs de l’énergie fossile et de l’automobile, sur la liste du Fortune 500.

C’est dans un tel contexte qu’on vise ce qu’il est convenu d’appeler la «mobilité durable». La distinction est importante : la mobilité n’équivaut pas au transport, et tout l’avenir des milieux urbains à l’avenir va devoir refléter cette distinction. Il n’y aura vraisemblablement pas de «transport durable», mais il faut nécessairement que nous trouvions des modalités pour une «mobilité durable», puisque la survie de bon nombre dépend de leur mode de vie en ville. L’Observatoire de mobilité durable de l’Université de Montréal alimente la réflexion sur les multiples enjeux en cause, dont un article par Beaudet et Wolff qui situe le cadre pour la réflexion.

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Depuis plus de deux ans, l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) travaille sur les différentes facettes d’une vision de mobilité durable conçue en fonction d’orientations économiques. Le plus récent rapport de recherche de l’IRÉC s’intitule justement «Politique industrielle : stratégie pour une grappe de mobilité durable». L’IRÉC analyse les transformations à venir dans les secteurs de l’énergie et des transports, et insiste sur l’idée que sa contribution constitue un programme pour la «reconversion écologique de l’économie». L’IRÉC prétend même que ses propositions contribueraient à une « économie verte ». Malheureusement, son approche ne tient tout simplement pas compte des véritables enjeux écologiques en cause.

Je suis déjà intervenu pour souligner l’absurdité du discours faisant la promotion de l’économie verte soutenue par des organisations internationales comme l’OCDE et la Banque mondiale et les mauvaises orientations que cela entraîne dans les interventions de l’IRÉC. Clé des interventions de l’IRÉC est la promotion du monorail à moteur-roue que l’IRÉC verrait sis entre les voies des autoroutes qui sont en train d’être remises en état à un coût dans les dizaines de milliards de dollars; il s’agit d’une nouvelle infrastructure qui va dédoubler les services fournis par ce réseau routier. Je suis intervenu sur ce dossier aussi.

Il est étonnant de voir la couverture omniprésente et positive concernant cette initiative, et l’appui qu’elle reçoit un peu partout. L’émission Découverte du 7 avril en a fourni des perspectives, mettant en évidence des ingénieurs comme Pierre Couture, le coordonnateur du projet TrensQuébec Jean-Paul Marchand et d’autres promoteurs du projet.

En contrepartie et dans l’absence de toute reconnaissance de ce que l’on doit considérer comme illusoire dans ce projet, je viens de mettre en ligne une analyse du rapport de recherche sur la mobilité durable de l’IRÉC  (et qui sera publié plus tard sur d’autres sites). Finalement, tout le débat sur cette initiative nous mène dans le sens contraire de ce qui est nécessaire. Les projets rêvés par l’IRÉC se situent dans une perspective où l’Institut présume du maintien du modèle économique actuel et de l’intérêt de trouver de nouvelles modes de production dans un cadre on ne peut plus traditionnel. L’IRÉC, comme presque tous les acteurs socio-économiques actuels, reconnaissent les enjeux écologiques associés entre autres au réchauffement climatique, mais présument qu’ils vont continuer à nous accompagner tranquillement dans notre course à l’autodestruction. Le Québec doit se préparer bien au contraire pour des changements radicaux et rapides, rendus incontournables surtout en raisons de ces enjeux écologiques devenus des crises, mais fort probablement aussi en raison de l’effondrement du modèle économique lui-même.

 

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4 Commentaires

  1. Thérèse Lavoie

    Merci de remettre les pendules à l’heure dans ce dossier du monorail. Je crois que beaucoup de gens s’aveuglent quant à l’ampleur des changements que nous devrons faire dans notre mode de vie pour faire face aux défis qui nous attendent. Continuer de promouvoir l’accroissement de la vitesse me semble en effet un peu ironique. Vouloir aller encore plus vite dans le mur, même peint en vert, n’est pas une option pour un futur soutenable.

    J’en ai encore pour quelques heures à explorer les nombreux liens qui étoffent votre dossier. Merci de nous informer de l’existence de ces passionnantes analyses.

  2. Yvan Dutil

    Le problème qui est de plus en plus évident en lisant la littérature scientifique est que la barrière principale au développement durable est la présence d’infrastructures importantes dont on ne peut pas se passer. Ajouter un monorail ne fera qu’augmenter le problème.

    • Alain Rajotte

      Franchement je ne crois pas qu’il est très utile d’orienter une réflexion sur les enjeux de transport (ou de mobilité) ou de la stigmatiser autour d’une perspective technologique, quelle qu’elle soit. Le problème principal à mon sens, qui a d’ailleurs donné lieu à une critique majeure du rapport du VGQ sur la planification des transports et de l’aménagement dans le région de Montréal, est l’approche actuelle (ou l’absence) de planification des transports au MTQ. Celle-ci continue d’être faite sans scénarios comparés. C’est tout comme si on suppose que l’optimalité découlera d’une concordance la plus satisfaisante possible entre la demande et l’offre en transport. Dans la mesure où le contexte favorise la voiture, on voit mal comment les choses peuvent changer. En d’autres termes, la planification conventionnelle offre et demande en vient pratiquement à s’ériger en idéologie de la voiture.

      Pour ce qui est des choix technologiques, ceux-ci doivent être évalués au mérite et dans le cadre d’une analyse intégrée qui inclut les facteurs d’aménagement, d’énergie, de développement économique, etc., etc.

      Tout choix fait ne pourra exclure de compromis. Le défi est de pouvoir distinguer ces différents compromis et identifier celui ou ceux que nous considérons préférables du point de vue du développement durable (par ailleurs sur la base d’indicateurs de progrès et d’une bonne reddition de compte.

      • Comme Alain le sait, j’étais responsable, comme Commissaire au développement durable, du rapport du VG sur la planification et l’aménagement des transports à Montréal. J’ai même fait paraître un article plus vulgarisé du rapport de vérification dans la revue Urbanité (pages 15-16), après avoir quitté mon poste. En faisant ses commentaires, Alain ne paraît pas avoir lu la nouvelle analyse que je mettais en ligne en même temps que ce court article (voir le lien dans l’article). Mais même cet article est clair quant à sa cible, qui n’est pas la technologie du monorail proposée par l’IRÉC. Je critique plutôt l’absence de prise en compte par l’IRÉC des véritables enjeux écologiques associés à sa proposition d’une politique industrielle, politique qui ne cible pas non plus les véritables enjeux des transports.

        L’IRÉC fonde sa politique industrielle sur le monorail, cela en fonction de la volonté de créer un nouveau secteur manufacturier dans les équipements du transport. Je suggère que, en voulant promouvoir un objectif économique, l’IRÉC ne tient pas compte des enjeux de la planification et de l’aménagement des transports (surtout pour la région de Montréal) et de la mobilité. Je souligne le dédoublement des transports sur les autoroutes par le monorail comme un élément additionnel de l’absence de prise en compte des enjeux, cette fois-ci de la capacité d’investir de l’État.

        Quant à la nouvelle analyse mise en ligne avec l’article, elle propose justement des critiques sur la planification en cause dans la politique industrielle de l’IRÉC et une planification autre où je commence la mise en question de l’idéologie de la voiture. Mon analyse cherche justement à intégrer les enjeux d’aménagement, d’énergie et de développement (en remettant le sacro-saint «développement économique» dans son contexte, longtemps abandonné). À aucun moment je ne cherche à fournir une analyse de la technologie du monorail, qui n’a rien à voir avec mes propos.

        Quant à la question de « compromis », mon travail sur l’IPV et, depuis, dans ce blogue, sur l’imminence de différentes crises écologiques et économiques, m’amène à croire non seulement que la planification conventionnelle est en fin de règne et que des changements vont s’avérer incontournables en ce qui concerne la mobilité. Je suggère, finalement, que le « point de vue du développement durable » est dépassé face aux contraintes imposées par notre négligence au fil des décennies.

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