Le Rapport Brundtland : sa longue histoire au Québec

Pour le complément à cette récapitulation, voir la réflexion de Clifford Lincoln, qui sera l’objet d’un prochain article du blogue.

La Commission mondiale sur l’environnement et le développement (CMED) – la Commission Brundtland – a été crée par l’Assemblée générale des Nations Unies, sa plus haute instance, en 1983, et la Commission a procédé à trois ans de Couverture 2014 - Version 2 consultations. Il a produit son rapport en 1987, sous le titre Our Common Future. Maurice Strong, un Canadien qui avait organisé en 1972 le Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain à Stockholm, et qui organisera le Sommet de Rio de 1992 par la suite, en était membre; son secrétaire et grand responsable de l’organisation de tout le matériel qui se développait au fur et à mesure que la CMED poursuivait ses consultations, était Jim MacNeill, un autre Canadien. Pendant ses travaux, plusieurs contacts ont été faits au Canada, avec une séance à Ottawa en 1985; j’y ai participé avec Luc Gagnon pour l’Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), prédécesseure de Nature Québec. Un encadrement pour des contacts avec toute la Francophonie a été mis en place par le ministre de l’Environnement du Québec de l’époque, Clifford Lincoln.

À la sortie du rapport, en notant l’absence d’une version française, Roger Léger, un Acadien d’origine bien établi au Québec, a mis en branle des contacts pour obtenir les droits de publication de la version française. Une traduction existait déjà, commandée comme d’autres traductions par le Centre for Our Common Future, à Genève, l’organisation qui a pris la relève du secrétariat de la CMED elle-même. Léger a vite découvert que, à l’instar d’autres expériences ailleurs, la traduction était bourrée d’erreurs. Il a contacté Luc Gagnon de l’UQCN pour de l’aide, et nous avons mis en place au sein de l’organisme une équipe de douze personnes qui ont vérifié (et corrigé) l’ensemble de la traduction du rapport.

Notre avenir à tous est paru en première édition en 1988, aux Éditions du fleuve de Roger Léger. Roger Léger 2 Comme président du Comité canadien des ministres de l’environnement, Clifford Lincoln a entrepris d’assurer une mise en œuvre à la grandeur du Canada du «message» de la CMED. Il a créé et présidé une Table ronde québécoise sur l’environnement et l’économie en 1987, l’année même de la sortie du Rapport; la Table réunissait des représentants gouvernementaux, du secteur des affaires et des groupes environnementaux (dont moi-même). M. Lincoln s’est servi de cet exemple pour encourager ses collègues ministres des autres provinces à créer leurs propres tables rondes, et dans l’espace de quelques années, toutes les provinces du pays se sont dotées d’un tel outil de dialogue et de concertation. En 1993, le gouvernement canadien, sous Brian Mulroney, a créé la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, qui a poursuivi ses travaux jusqu’en 2013. J’ai eu le privilège d’en être membre et, entre 2002-2005, d’en être président, grâce à une recommandation en ce sens de Clifford Lincoln, qui, après sa carrière au Québec, a servi comme député au Parlement canadien de 1993 à 2004, entre autres comme membre très actif (avec Charles Caccia et Karen Kraft Sloan) du Comité permanent de l’environnement et du développement durable.

Bref, en complément à cet événement marquant dans l’histoire des efforts mondiaux pour arrêter la dégradation de la planète et arriver à une prise de contrôle par l’humanité des processus dommageables aux écosystèmes planétaires, la publication du Rapport Brundtland a également été un événement marquant dans l’histoire de ces efforts au Québec. Clifford Lincoln, comme ministre de l’Environnement, a signé la Préface de la première édition de 1988, Luc Gagnon et moi avons écrit une mise en contexte, «Le rapport Brundtland : Base d’un nouveau départ», et Roger Léger en a assuré sa diffusion à travers la Francophonie. Ce dernier publiait une nouvelle édition du Rapport Brundtland en 2005 (toujours sans changer un mot du rapport lui-même), avec une Préface du ministre de l’Environnement Thomas Mulcair, un Avant-propos de Roger Léger et un texte de présentation «Le Rapport Brundtland : vingt ans plus tard» par moi-même. L’édition de 2005 étant de nouveau épuisée, Notre avenir à tous vient d’être réimprimé par Roger Léger et ses Éditions Lambda , cette fois-ci avec une Préface du ministre de l’Environnement Yves-François Blanchet (qui ne l’est plus depuis les élections du 7 avril), une entrevue de Roger Léger faite en 2007 avec Adéquation, qui distribue Notre avenir à tous en France, et encore une réflexion par moi, «Sa vision était claire».

Je conclus ma réflexion, ayant tout récemment consulté de nouveau le document, avec le propos suivant :

Notre avenir à tous fournit encore, plus de 25 ans après sa publication, la table des matières pour une approche au développement qui est souhaitable pour l’humanité. Le problème est que nous avons pendant ce temps dépassé tous les scénarios pour ce développement qui permettent qu’il soit soutenable, qu’il puisse durer dans le temps. Nous sommes aujourd’hui une fois et demi la population des années 1980, les inégalités sont encore plus importantes et la dégradation de la biosphère est bien plus avancée. Le déni s’est installé dans la demeure, associé à une impossibilité chez les économistes de revoir leur modèle, en dépit de failles béantes que des rapports comme celui de Stiglitz, Sen et Fitoussi en 2009 a souligné, failles dans les objectifs, failles dans les mesures, failles dans les pistes suivies. La table des matières du rapport Brundtland est maintenant celle d’un rêve, mais cela en soi en justifie la lecture.

Cela fait écho aux motifs derrière la décision du Premier Ministre Harper de démanteler la Table ronde nationale…

Devant cette longue et riche histoire, Clifford Lincoln répond à mon invitation et revient à la charge avec sa propre réflexion, plus d’un quart de siècle après avoir signé la Préface de la première édition, dans un article suivant du blogue.

NOTE: Finalement, l’article de Clifford Lincoln ne s’est jamais réalisé.

Facebooktwitterlinkedinmailby feather

3 Commentaires

  1. Marie-France Doucet

    Je suis justement à étudier ce rapport dans le cadre d’un cours en environnement international (version 2005). Je suis absolument d’accord avec les propos de votre réflexion, et en particulier la dernière phrase: «La table des matières du rapport Brundtland est maintenant celle d’un rêve, mais cela en soi en justifie la lecture.» Effectivement! Et l’étude aussi. D’un chapitre à l’autre, je ne cesse de dire intérieurement: tout est dans ce rapport, son application aurait évité le cul-de-sac vers lequel nous nous dirigeons. C’est triste de constater que les recommandations ont été si peu prises en considération, et que la notion de développement durable est galvaudée comme un vulgaire slogan publicitaire.

    Je lirai avec grand intérêt la réflexion de Clifford Lincoln qui suivra bientôt. Et fort probablement que votre réflexion sera utilisée en citation dans l’un de mes travaux. Merci pour cet article, M. Mead.

  2. Raymond Lutz

    Vite, faisons de ce rapport un message d’avertissement pour les civilisations futures!

    Et je ne suis même pas ironique: le geste le plus civil que nous puissions faire est d’avertir la prochaine espèce animale qui fera une transition technologique des dangers de la complète ignorance de ses impacts sur la biosphère et ses systèmes régulés.

    Cette espèce sentiente émergera d’ici un milliard d’années au plus… si la vie multicellulaire survit après l’anthropocène.

    Également envoyons ce message de sagesse vers les étoiles. Le programme SETI mais inversé: bip bip bip, attention nous allons tous crever, ne faites pas nos erreurs, bip bip, bonne chance…

    Vous reconnaîtrez un mélange des concepts et idées associés à la plaque de Pioneer, aux avertissements prévus pour la Waste Isolation Pilot Plant et même au scénario du film Alien!

    😎

  3. Raymond Lutz

    Oups, mon html a mal passé… voici le dernier paragraphe corrigé:

    Vous reconnaîtrez un mélange des concepts et idées associés à la plaque de Pioneer[1], aux avertissements prévus pour la Waste Isolation Pilot Plant[2] et même au scénario du film Alien[3]!

    [1] http://www.slate.com/blogs/the_eye/2014/05/14/_99_percent_invisible_by_roman_mars_designing_warning_symbols_for_the_nation.html
    [2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Plaque_de_Pioneer
    [3] http://www.imdb.com/title/tt0078748/plotsummary

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Translate »