Notes de la Chine – Shanghai 2010, 2015

Parmi les grandes villes chinoises, Xi’an – en raison de son quartier musulman, entre autres – et Shanghai – en raison de ces anciens quartiers survivant à travers le neuf – m’avaient le plus impressionné lors de mes visites précédentes. Une dernière journée de voyage cette année, à Shanghai, est prévue pour un retour à cette ville que j’avais trouvée attrayante. Ma vieille auberge de jeunesse est située pas très loin du Bund, le secteur anciennement celui des pouvoirs coloniaux, en marge de la rivière Suzhou qui s’y déverse à son extrémité nord. Je prends note rapidement que les bords de la rivière Suzhou ont eu un traitement à la façon de la rivière Saint-Charles à Québec, avec les rives canalisées et des plantations tout au long. Le parc semble être un petit paradis pour les joggers de la ville (à leurs risques et périls, reconnaissant la mauvaise qualité de l’air…), et je le suis tranquillement jusqu’au Bund, une petite heure de promenade.

Sur le Bund, je suis moins impressionnés que la première fois par les touristes qui s’y trouvent (presque en exclusivité, prenant leurs selfies et leurs photos des proches comme ils font partout). Les abords de la rivière Pu, où l’on a vu se construire environ 3000 édifices en hauteur en 20 ans pour créer le nouveau secteur (financier, entre autres) du Pudong du coté est de la rivière, en face du Bund, est toujours impressionnant, mais de nombreuses villes chinoises que j’ai maintenant visitées rivalisent dans le coup d’oeil quant au nombre d’édifices, dans leur hauteur, dans la densité de l’occupation.DSC00132-no2

Cette visite obligatoire faite, je me dirige vers les secteurs en retrait du Pu à la recherche de mes vieux quartiers. Il y a quelques rues dans les secteurs que je soupçonne surtout touristiques, assez près du Bund, qui gardent leur caractère. Il reste que, après deux ou trois heures de marche sans trouver ceux dont je me rappelle, je commence à réaliser ce qui est en cause. En 2010, j’avais visité un musée en bordure du Parc du Peuple où une maquette immense de la Shanghai de 2030 occupait tout le deuxième étage, et n’avait que du neuf. Voilà que me vient la réalisation que je suis justement en train de me promener dans des quartiers plutôt neufs, avec une nouvelle autoroute, de nouveaux musées et parcs – tout ceci a remplacé les vieux quartiers que j’avais trouvé tellement plaisants à visiter en 2010, et ceux-ci n’existent tout simplement plus. La maquette n’était pas seulement un rêve, mais un plan. Je n’ai pas de problème à comprendre la vie des gens aisés qui habitent maintenant ces quartiers, mais je me demande ce qui est arrivé aux résidents des anciens quartiers populaires.

En fin d’après-midi, je trouve une rue restant d’un ancien quartier, où justement les Range Rover et les Audi cherchent à se frayer un passage, passage qui leur sera plus facile sous peu… Un peu plus loin, je trouve des quartiers voués à la disparition, avec les ouvertures autrefois lieux des activités commerciales populaires maintenant placardées. Je trouve des quartiers résidentiels où il y a encore des résidents, mais des résidents qui n’ont plus les secteurs commerciaux juste à coté qui donnaient l’impression d’une communautés vibrante. Je trouve même un de ces marchés de premier étage qui occupe une superficie l’équivalente de celle de l’édifice, et où se trouve tout: légume, fruits, poissons, viandes, oeufs, pâtes, – tout, finalement, et une sorte de vie comme on trouvait dans les rues des anciens quartiers.

Comme je dis presque sans exagérer, toute la population chinoise veut vivre comme les Shanghaïens, et voilà, je suis en train de voir ce que cela signifie dans le quotidien. Convaincu en même temps que cela reste un rêve qui ne pourra se réaliser, ni en Chine ni pour l’humanité tout entière, je me rabats sur le questionnement de base: si l’on oublie le 1%, ou le 3% ou le 5%, qu’est-ce que la Chine nous montre quant aux possibilités? Le fait que les jeunes semblent quitter la campagne en grand nombre, le fait qu’ils ne trouvent pas d’emploi ce faisant, le fait que les édifices fantômes ne se remplissent pas parce qu’ils sont trop chers – un ensemble de phénomènes suggère qu’il y a une transition en cours qui manque de définition mais qui comportera une correction nécessaire par rapport au rêve…

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6 Commentaires

  1. On s’est croisé brièvement vous et moi dans les studios de CKRL. Il me fait plaisir de vous saluer.

    Je viens de lire une critique positive d’un ouvrage que vous connaissez peut-être: Junkyard Planet par Adam Minter.

    L’auteur tient un blogue: http://shanghaiscrap.com/

    ps: j’ai dû m’y reprendre à trois fois avant de pouvoir enfin vous transmettre ce commentaire. Votre plugin captcha doit décourager d’autres personnes que moi 😉

    • J’ai eu cette indication de problèmes avec le captcha d’autres personnes, même si je reçois des commentaires aussi. Pourriez-vous peut-être tester la situation maintenant? Nous avons essayé de corriger le problème.

  2. J’allais oublier: la critique de l’ouvrage Junkyard Planet est à l’adresse https://ello.co/dutchess70/post/rUeBktYDla6bJptEosH3ZA

  3. Sylvie Coulombe

    Bonjour monsieur Mead,

    Vos récits de voyage sont vraiment fascinants… C’est un vrai plaisir de vous lire.

    Une ancienne étudiante,

    Sylvie Coulombe

  4. Je fais un essai de votre capcha.

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