Retour à la terre

Résumé. Par indirection, une réflexion sur le Partenariat transpacifique (PTP), en esquissant le caractère social bien plus qu’économique de notre agriculture. L’idée d’une nouvelle agriculture est introduite en se référant à un autre chapitre du projet de livre Indignés sans projets? Ensuite, une analyse est présentée des dérapages majeurs du soutien gouvernemental via l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) et de l’objectif social de la gestion de l’offre en cause dans les négociations sur le PTP. Finalement, ni le 60% de l’agriculture soutenue par l’ASRA ni le 40% protégée par la gestion de l’offre ne s’insère dans l’économie de marché, et cela ouvre la porte à un nouveau modèle par les principes mêmes qui sont en cause. Le fait que les coûts des externalités de l’agriculture équivalent aux bénéfices des produits (subventionnés) ne fait qu’accentuer l’intérêt d’un changement radical du système. Le PTP arrive à un moment où même la Chine est en train de penser sérieusement à un nouveau modèle, tellement ses défis l’amènent ailleurs que dans la mondialisation style actuel. Il est temps que l’énorme mouvement social auquel a donné naissance la grève des étudiants en 2012 soit ressuscité et mis en branle. 

Probablement le principal constat venant de mon récent voyage en Chine, le quatrième, était la mise en cause de mon sens que le paysan chinois représente un des «modèles» pour la société humaine après l’effondrement du système économique actuel. Partout où je voyageais en campagne, c’était le même constat: les jeunes ont quitté les villages, d’une part parce que la vie de paysan chinois ne représente pas un idéal pour eux, d’autre part parce que le rêve de la vie à Shanghai en représente un – même s’il ne semble pas que les jeunes trouvent des emplois dans les villes…

Fermiers, les jeunes?

Tout récemment, j’ai reçu d’Yvon Poirier le texte pour la présentation de l’économie sociale et solidaire, sa contribution au livre Les indignés sans projets? – des pistes pour le Québec. Il s’agit d’un élément clé dans la conception d’un Québec passant à travers l’effondrement du système économique actuel. La revitalisation des milieux ruraux constitue un élément central dans la vision qui soutient le chapitre, et le livre. En même temps, j’ai eu l’occasion de faire une entrevue pour un journaliste de L’actualité alimentaire. Pensant au thème soulevé, le vrai coût des aliments, j’ai relu le chapitre de mon livre sur l’agriculture (voir les pages 10-14 de la Synthèse, si vous n’avez pas le livre) et, par la suite, la chronique de Josée Blanchette sur le «retour à la terre» de certains jeunes (et il me resterait à peut-être revoir la vidéo d’une présentation par le jeune agriculteur dont il est question dans la chronique de Blanchette).

«C’est un métier extraordinaire qui se caractérise moins par la quantité d’heures passées au travail et le salaire que par la qualité de vie qu’il procure. Peu de gens peuvent l’imaginer, mais en dépit de l’intensité de notre travail, il reste beaucoup de temps pour faire autre chose. Notre saison débute lentement en mars pour se terminer en décembre. C’est tout de même neuf mois de travail pour trois mois de temps libre.» – Jean-Martin Fortier, Le jardinier-maraîcher

J’ai fait part des tendances manifestées par ces jeunes, pour le moment marginaux, devant un groupe d’étudiants à l’Université d’Ottawa l’an dernier. J’y présentais mon sens qu’il faut se préparer pour un autre modèle économique et que ces tendances marginales ne devraient pas rester ainsi très longtemps. Deux des étudiants sont venus me voir, pour souligner que cela est justement leur objectif en termes de carrière. Sauf que ce n’est pas une évidence, nos jeunes en général étant même beaucoup plus ancrés dans le modèle actuel que les jeunes Chinois. (suite…)

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Les solutions existent…

Tel est le discours omniprésent non seulement au sein des groupes environnementaux mais également chez de plus en plus d’intervenants aujourd’hui qui deviennent de plus en plus conscients des crises qui sévissent, environnementales bien sûr, mais également sociales et économiques. Deux récents éditoriaux percutants de Guy Taillefer dans Le Devoir s’insèrent dans cette mouvance et soulignent la situation que j’ai décrite récemment en commentant le nouveau livre de Naomi Klein, This Changes Everything. Le premier éditorial brosse un tableau des crises de l’eau, le deuxième offre quelques perspectives de solutions possibles. Tout en étant impressionné par ces interventions, je me sens interpellé.

Les solutions existent depuis longtemps

J’avais justement décidé cette semaine de passer au recyclage plusieurs séries de magazines conservées sur les tablettes de ma bibliothèque depuis des décennies, n’ayant plus de place pour des ajouts. Déjà pendant l’hiver j’avais décidé de passer à l’action en numérisant les anciens (85) numéros de la revue de Nature Québec, d’abord Franc-Nord et ensuite Franc-Vert, qui ornaient ma bibliothèque mais qui prenaient de la place. Ils seront mis en ligne par l’organisme sous peu. Ce ne sera pas le cas pour Nature Canada, Québec Oiseaux, Environnement (pour les numéros avant 2007), Equinox, Canadian Geographic et plusieurs autres, qui se trouvent dans le bac de recyclage en attente de la prochaine collecte.Solutions Pâques

J’étais particulièrement intrigué de voir les numéros d’Environnement, datant des années 1990 mais rendu aujourd’hui à son 57e numéro, avec un sous-titre: Science and Policy for Sustainable Development). Ils étaient (et le sont toujours) publiés par un obscur éditeur et dont je ne me rappelle même plus d’y avoir été abonné. J’ai relu un premier article de page titre de 1995 sur la dégradation des terres agricoles dans les pays «sous-développés», et j’étais frappé de voir, tout au long de l’article, la minimisation, par le processus de mentions d’exception, des grandes problématiques identifiées. L’article souligne entre autres comment un projet réussi par une minorité au Kenya (dont la population va doubler d’ici quelques décennies) démontre que la question de surpopulation ne mérite pas trop de préoccupation. Je vais lire dans les prochains jours les numéros sur le sommet de Rio (1992) et sur le Jour de la Terre 25 (1995)… (suite…)

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Tout peut changer, de Naomi Klein : Tout change, mais rien ne suggère que tout peut changer comme on veut.

En 1966, après la naissance de nos deux enfants à 15 mois d’interval, mon épouse et moi avons décidé d’arrêter la famille à 4. Plusieurs raisons jouaient un rôle dans la décision, mais pour moi, c’était la conviction que deux enfants étaient une limite dans un contexte de crises environnementales empirées par la croissance démographique. Il était fascinant, 50 ans plus tard, de lire dans ce contexte This Changes Everything, de Naomi Klein: après plus de 400 pages de cette intéressante présentation du défi des changements climatiques, Klein débute le Chapitre 13, le dernier, sur le droit de se régénérer, avec la narration de ses difficultés, à la fin de la trentaine, dans l’effort de concevoir un enfant. Elle décrit dans ces pages sa réaction à l’époque aux échanges avec des environnementalistes dont les propos portaient sur nos responsabilités envers nos enfants et nos petits-enfants. Elle trouvait dans sa réaction personnelle de ne pas être mère une source de réflexion sur les maux qui affligent la planète et y voyait le reflet d’une sorte de syndrome d’infertilité de la planète elle-même. Nulle part, par contre, ne paraît une indication que parmi les principaux défis de l’humanité actuellement est le défi de sa grossière fertilité, où, par exemple, l’Inde ajoute à sa population (surtout à sa partie pauvre) environ 55,000 personnes net par jour

Photo Marie-Josée Bergeron à la gare de Varanasi en Inde, le 18 février 2014 Je n’arrive pas à éditer le texte ci-dessus, qui devait se lire comme suit: L’inde connaît une croissance démographique d’environ 20 millions de personnes par année, alors que la Chine est en voie de stabiliser sa population, mais cela à environ un milliard et demi de personnes (contre environ 500 millions il y a un demi siècle). Les défis pour les deux pays restent énormes, alors qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires sur leurs territoires respectifs pour assurer un bien-être minimal à leurs populations. Pour une analyse en profondeur de ces enjeux, voir The Security Demographic: Population and Civil Conflict after the Cold War, par Richard P. Cincotta, Robert Engelman and Daniele Anastasion (Population Action International, 2003). Le document n’est plus disponible en ligne, et je l’ai donc rendu disponible sur mon site, à http://www.harveymead.org/wp-content/uploads/2013/06/Security-Demographic-2003.pdf.

J’attendais ce dernier chapitre, et la Conclusion, pour mieux saisir le positionnement ultime de Klein face au sujet du livre, les changements climatiques qui menacent à court terme l’avenir de l’humanité. Un sens du temps parcouru me frappait: Klein ne réalise pas que les «générations futures» de la Commission Brundtland ne sont plus nos enfants et petits-enfants, mais des gens de l’âge de Klein – elle est l’enfant de Brundtland, et son livre montre jusqu’à quel point Brundtland voyait juste. Ses engagements pour son enfant (elle a finalement réussi) doivent être, finalement, pour elle-même.

Comment se positionner

La situation me rappelle celle de David Suzuki, dont je suis les analyses des problématiques environnementales sur The Nature of Things depuis probablement plus de 30 ans (tout comme celles de Klein, sociales et socio-économiques, depuis près de 20 ans et la publication de No Logo). C’était la fille de Suzuki qui a livré le plaidoyer pour les jeunes au Sommet de Rio en 1992 et qui est revenue, avec son père, pour condamner l’échec de l’humanité dans les vingt ans qui suivaient, lors d’interventions à Rio+20 en 2012.

J’attendais la chance de lire le nouveau livre de Klein depuis plusieurs mois, et les 300 premières pages me rejoignent presque au paragraphe près. (suite…)

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