L’effondrement ne sera pas un «événement» (1)

Mon dernier article a suscité des commentaires mettant en évidence un positionnement de plusieurs leaders des groupes environnementaux qui semblent en contradiction avec les connaissances scientifiques qui guident les groupes depuis des décennies. Il s’agit en particulier d’un rejet de l’urgence d’action face aux changements climatiques. En contre-partie, les commentaires ont ciblé les travaux de Pablo Servigne et ses collaborateurs mettant en évidence la nécessité de trouver des approches à l’effondrement, déjà en cours. Cela à son tour aboutissait à un suivi des réflexions de Cyril Dion, co-producteur du film Demain qui en souligne les déficiences.

Je propose un article en deux temps, histoire de me permettre de longues citations de ces sources, malheureusement venant toutes de l’extérieur, et de remettre sur la table l’Annexe de mon livre qui ciblait les acteurs de la société civile ici. Il s’agit d’une proposition pour une mobilisation concertée des groupes sur la base de leurs réseaux construits au fil du temps, en espérant que les centaines de milliers de personnes qui auront signé le Pacte lancé par Dominic Champagne regarderont maintenant de plus près ce qui est vraiment en cause, pas mal plus que les changements climatiques et nos petits gestes quotidiens pour les éviter.

 

Annexe boîte

La difficulté de saisir l’effondrement

J’ai eu l’occasion d’être conférencier à deux reprises depuis deux semaines. Le 27 octobre, j’ai ouvert le colloque de Simplicité volontaire Québec «Le destin de l’humanité: Espoir et effondrement» avec une conférence que j’ai intitulée «Simplicité involontaire». Mes propos revenaient aux différentes présentations dans mon livre Trop Tard: La fin d’un monde et le début d’un nouveau.

Le colloque s’est terminé le lendemain avec une présentation du livre de la Fondation Suzuki intitulé Demain, Le Québec, inspiré par le film récent Demain et par une volonté de montrer de l’espoir face aux nombreux constats de crises, cela en présentant différentes initiatives positives. La présentation de clôture n’a fourni aucun portrait de la situation à laquelle les constats de crises font référence, et par conséquent ne cherchait à fournir aucune indication de ce que les initiatives pouvaient contribuer pour y répondre. La réponse à ma présentation semblait positive, des échanges portant là-dessus pendant toute la journée. Celle à la présentation de clôture était également bien reçue, l’auditoire soutenue par l’offre d’un espoir, ce qui était clairement dans les visées des organisateurs.

Le 3 novembre, c’était au tour du Centre des arts actuels Skol, à Montréal. J’y étais invité pour ce que le Centre appelle une journée Paroles et manœuvres, «L’effondrement, et après?: de Halte à la croissance à aujourd’hui et au-delà», et le programme de l’après-midi était assez diversifié. Ma présentation était similaire à celle de la semaine précédente, et encore une fois l’auditoire semblait l’accueillir positivement, en dépit du message. La semaine précédente, l’auditoire semblait centré sur le message, alors que chez Skol l’auditoire semblait déjà acquis au message et était à la recherche de l’après. Cela rejoignait le contexte dans lequel se déroule la vidéo de Pablo Servigne dont il est question dans les commentaires sur mon dernier article.

Manifestations des tendances des courbes

Dans mes présentations, j’ai décidé de mettre un certain accent sur deux signes manifestant des composantes de l’effondrement, soit la congestion permanente sur nos routes et les migrations permanentes qui se présentent aux frontières de tous les pays riches. Il s’agit de souligner le fait que l’effondrement ne se présentera pas comme une sorte de journée de fin de monde, mais est en progression déjà et se déroulera dans le temps. L’important est d’y reconnaître les tendances lourdes et la présence de limites temporelles, deux éléments rejetés par les gens qui cherchent à promouvoir une transition (par le fait même, en douceur).

Fortune 500 1-12

La Fortune 12 de 2012. Le portrait peut varier d’une année à l’autre, mais ici la dominance est claire, avec deux manufacturiers d’auto et neuf entreprises énergétiques – la douzième compagnie est Walmart…

(i) La congestion est en place depuis les années 1950 et n’a fait qu’augmenter depuis, s’étendant de région en région au fur et à mesure de l’augmentation de la population et de la construction d’infrastructures dédiées à ses déplacements en voiture. À son tour, ces phénomènes ont été accompagnés par la mise en place des multinationales de l’auto, dont la Fortune 500 de 2012 en montre l’importance de façon particulière. On doit noter que ce sont les entreprises énergétiques qui dominent, complétant la boucle de la manifestation de notre dépendance non seulement donc à l’auto mais à l’énergie fossile aussi. Encore aujourd’hui – peut-être davantage aujourd’hui? – il y a des efforts de mieux gérer les impacts structurants de la congestion, mais il ne semble pas y avoir une reconnaissance que la congestion est un épiphénomène dans le monde contemporain qui ne se réglera pas à moins d’un effondrement de tout le système.

(ii) Les migrations constituent une autre manifestation de tendances lourdes en place depuis des décennies et qui semblent s’approcher d’une culmination. Le problème n’est pas surtout qu’il y a eu augmentation de la population, celle-ci étant quand même à un niveau qui dépasse dans ses besoins la capacité de la planète à la soutenir. Ce sont les inégalités qui motivent et/ou expliquent bon nombre de ces migrations, en faisant exception de celles provenant de zones de guerre. Les conditions de vie dans les pays pauvres sont en contraste frappant avec celles dans les pays riches, et l’amélioration des communications de toutes sortes font que les populations pauvres – 75-80% de l’humanité – connaissant mieux aujourd’hui les conditions de vie dans les pays riches. Rien ne semble destiné à changer cette situation, qui ne s’améliore pas et pour laquelle il n’y a probablement pas de mesures disponibles pour l’améliorer.

Population WEF 2011 riches et pauvres pays 1965-2050

La congestion des véhicules généralisée à travers le monde est le signe d’une dépendance aux énergies fossiles (au pétrole, et au charbon et au gaz, si du temps reste pour rendre ces véhicules électriques), et elles seront au cœur de l’effondrement qui s’annonce, qui a été projeté par Halte à la croissance. Les migrations ne semblent pas encore constituer un effondrement des sociétés, mais nous montrent la situation précaire pour l’ensemble des sociétés à laquelle l’effondrement du système de production industrielle – ce que l’on appelle aujourd’hui la civilisation thermo-industrielle – va se buter dans les années qui viennent. Encore une fois, c’est une situation qui s’est constituée comme tendance lourde au fil des dernières décennies, avec différents pays – pays riches et pays pauvres différemment – montrant les signes de déstabilisation importante, et rien ne suggérant une amélioration de la situation, au contraire.

Derrière toutes ses perturbations se trouve une autre, fondamentale. Une diapositive de mes présentations la résume:

La question des inégalités, à l’échelle internationale autant qu’à l’échelle du Québec, représente une sorte de toile de fond pour toute notre narration, et un facteur déstabilisant majeur dans le monde contemporain cherchant de nouvelles formes de société. Dans The Spirit Level: Why More Equal Societies Almost Always Do Better (Allen Lane, 2009), Richard Wilkinson et Kate Pickett présentent une synthèse d’un grand nombre d’études en psychologie, en sociologie et en économie pour montrer qu’un ensemble de perturbations dans nos sociétés sont fonction d’inégalités, plutôt que le contraire.

  • Parmi les perturbations, celles associées à: la vie en communauté; la santé mentale; la santé et l’espérance de vie; l’obésité; la performance en études; les naissances chez les adolescentes; la violence; le recours à l’emprisonnement; la mobilité sociale.
  • On y constate que les États-Unis se distinguent tout au long de la présentation comme manifestant les pires résultats dans tous les domaines, cela à partir des plus grandes inégalités de tous les pays de l’OCDE. On peut penser que Trump a eu l’intuition de cette situation dans ses démarches pour la présidence, aussi fourvoyées soient-elles ses démarches comme président.

Il s’agit de mauvais signes pour le cadre sociétal dans lequel va se dérouler l’effondrement de la production industrielle…

Se préparer pour l’avenir difficile

La présentation du récent livre de Pable Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible: Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre), se situe dans la même perspective que j’essaie d’aborder, et le titre de mon livre pousse aussi pour un travail de préparation pour un «nouveau monde».

La situation critique dans laquelle se trouve la planète n’est plus à démontrer. Des effondrements sont déjà en cours tandis que d’autres s’amorcent, faisant grandir la possibilité d’un emballement global qui signifierait la fin du monde tel que nous le connaissons.

Le choix de notre génération est cornélien: soit nous attendons de subir de plein fouet la violence des cataclysmes à venir, soit, pour en éviter certains, nous prenons un virage si serré qu’il déclencherait notre propre fin-du-monde-industriel.

L’horizon se trouve désormais au-delà: imaginer la suite, tout en se préparant à vivre des années de désorganisation et d’incertitude. En toute honnêteté, qui est prêt à cela ?

Est-il possible de se remettre d’un déluge de mauvaises nouvelles ? Peut-on simplement se contenter de vouloir survivre? Comment se projeter au-delà, voir plus grand, et trouver des manières de vivre ces effondrements ?

Dans ce deuxième opus, après Comment tout peut s’effondrer, les auteurs montrent qu’un changement de cap ouvrant à de nouveaux horizons passe nécessairement par un cheminement intérieur et par une remise en question radicale de notre vision du monde. Par-delà optimisme et pessimisme, ce sentier non-balisé part de la collapsologie et mène à ce que l’on pourrait appeler la collapsosophie…

Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle ont une (dé)formation scientifique et sont devenus chercheurs in-Terre-dépendants. Ils ont publié Comment tout peut s’effondrer. Petit Manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (Seuil, 2015), Le Vivant comme modèle. La voie du biomimétisme (Albin Michel, 2015), Petit traité de résilience locale (ECLM, 2015), Nourrir l’Europe en temps de crise (Babel, 2017) ou encore L’Entraide. L’autre loi de la jungle (Les liens qui libèrent, 2017).

On peut en lire la préface ainsi qu’une dizaine de pages du début sur le site. Dans la préface, Dominique Bourg semble se montrer en train de passer de promoteur de l’économie circulaire comme le salut à une reconnaissance de la collapsologie…

Probablement plus directement associé aux problématiques d’ici, la postface est signée Cyril Dion, co-réalisateur du film Demain, modèle pour le travail de la Fondation Suzuki et son Demain, Le Québec, mentionné plus haut. La postface n’est pas encore disponible, mais Dion a fourni des perspectives claires sur les limites, et les illusions, de son travail, dans son dernier livre,  Petit manuel de résistance contemporaine, publié en mai dernier.

La présentation du livre:

Que faire face à l’effondrement écologique qui se produit sous nos yeux ? Dans ce petit livre incisif et pratique, l’auteur de Demain s’interroge sur la nature et sur l’ampleur de la réponse à apporter à cette question. Ne sommes-nous pas face à un bouleversement aussi considérable qu’une guerre mondiale ? Dès lors, n’est-il pas nécessaire d’entrer en résistance contre la logique à l’origine de cette destruction massive et frénétique de nos écosystèmes, comme d’autres sont entrés en résistance contre la barbarie nazie ? Mais résister contre qui ? Cette logique n’est-elle pas autant en nous qu’à l’extérieur de nous ? Résister devient alors un acte de transformation intérieure autant que d’engagement sociétal…

Avec cet ouvrage, Cyril Dion propose de nombreuses pistes d’actions: individuelles, collectives, politiques, mais, plus encore, nous invite a considérer la place des récits comme moteur principal de l’évolution des sociétés. Il nous enjoint de considérer chacune de nos initiatives comme le ferment d’une nouvelle histoire et de renouer avec notre élan vital. A mener une existence où chaque chose que nous faisons, depuis notre métier jusqu’aux tâches les plus quotidiennes, participe à construire le monde dons lequel nous voulons vivre. Un monde où notre épanouissement personnel ne se fait pas aux dépens des autres et de la nature, mais contribue à leur équilibre.

J’y reviens dans le prochain article.

 

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9 Commentaires

  1. Benoit Paré

    Bonjour Harvey,

    Les liens vers la conférence  »Simplicité involontaire » ne fonctionnent pas.

  2. Luc L Ferrandez

    Merci monsieur Mead. Je viens de découvrir votre blogue et le lis avec beaucoup d’intérêt. Je partage vos prémisses sur les limites atteintes des systèmes.

  3. Guy Garand

    Bonjour Harvey,

    Félicitations pour tout ton travail. J’abonde dans ton sens.

    Voici un texte publié en 2012.

    UN PLAN SUD POUR LE QUÉBEC MÉRIDIONAL :UN GAGE D’AVENIR !

    Plus de 75 % de la population du Québec vit dans le Québec méridional (au sud du 47ème parallèle). Au cours des cinquante dernières années, l’aménagement du territoire et l’étalement urbain ont exercé de façon graduelle et irréversible une pression dans le sud du Québec méridional. Il en résulte un Québec méridional présentant un habitat bâti de faible densité, des distances à parcourir de plus en plus grandes entre les résidences et les lieux communs (travail, commerces, services), une demande sans cesse croissante en
    matière d’énergie, l’apparition de méga site d’enfouissement, un aménagement urbain privilégiant l’auto solo et des coûts économiques qui augmentent toujours. Cette pression s’est faite et continue de se faire au détriment de l’environnement, la santé, les écosystèmes, la biodiversité, l’agriculture et l’économie.

    Cette réflexion sur l’aménagement du territoire du Québec méridional doit maintenant tenir compte des nouveaux enjeux environnementaux qui sont : la perte des écosystèmes et de la biodiversité, la perte de territoire agricole, la détérioration de la qualité de l’eau et de l’air, une augmentation sans cesse croissante de nos matières résiduelles qui oblige le développement et l’agrandissement des lieux d’enfouissement technique, les changements climatiques (épisodes de smog plus fréquents, sécheresse et étiages plus
    sévères, précipitations plus abondantes, périodes de canicule de plus en plus longues, conditions hivernales moins froides) et l’apparition d’îlots de chaleur combiné aux effets néfastes que tout cela a sur la santé (diabète, obésité, maladie cardio-respiratoire, accidents de la route, allergie, etc.).

    Depuis longtemps encouragé par les développeurs, les promoteurs et les décideurs, ce modèle d’aménagement du territoire a un impact direct sur l’accroissement du bruit, des émissions de gaz à effet de serre (GES), sur notre consommation d’énergie et sur notre santé.

    De plus, on constate une augmentation du nombre de déplacements dans le Québec
    méridional. Les transports constituent la principale source de GES au Québec soit plus de 45 % et les embouteillages engendrent une perte économique (perte de temps de travail et de consommation d’essence) de plus de 1,5 milliard $ seulement dans la région métropolitaine de Montréal et cela ne tient pas compte des coûts pour l’entretien des infrastructures routières, pour les soins de santé et les impacts sur les écosystèmes et la biodiversité.

    Ce n’est pas pour rien que le gouvernement du Québec lancait dernièrement son Plan d’action sur les changements climatiques 2013-2020. Et encore une fois, ce sont les québécois et les québécoises qui paient et paieront la note du laisser-faire du gouvernement du Québec et des municipalités.

    Il est donc primordial de revoir nos pratiques et de privilégier des modèles
    d’aménagement du territoire qui respectent la capacité de support des écosystèmes et qui sont susceptibles de nous aider à réduire les GES et à diminuer notre consommation d’énergie générée par le transport automobile et le camionnage.

    Les conséquences néfastes dus à l’aménagement de notre territoire se font déjà sentir et sont mesurables tant au niveau environnemental, social et économique. Leurs effets connus et appréhendés doivent dès maintenant orienter nos choix ainsi que nos comportements individuels et pratiques collectives en matière d’environnement, de société et d’économie.

    Afin d’obtenir des résultats significatifs, nous devons tenir compte de plusieurs facteurs dans le développement de nouveaux modèles d’aménagement du territoire soit :
    Les modes de transport : privilégier le transport collectif (train, autobus,
    tramways, métro), développer le transport actif (plus de voies réservées pour le vélo et la marche) encourager le covoiturage et tout cela afin de diminuer notre dépendance au pétrole;

    La densification du bâti : favoriser le multi-logement, des maisons en rangées, des tours d’habitation à proximité des gares, stations de métro et terminus d’autobus;

    L’énergie : mettre en place un programme d’économie d’énergie (isolation des
    bâtiments, matériaux isolants fabriqués au Québec et création d’emplois dans
    toutes les régions), développer, favoriser et encourager des énergies vertes et renouvelables;

    Les matières résiduelles : Prioriser une saine gestion des matières résiduelles en respectant l’ordre suivant : la réduction, la réutilisation, le recyclage et le compostage (3R-C) de façon intensive et cela dans une prespective de régionalisation, de démocratisation et de responsabilité élargie des producteurs de biens;

    La santé : augmenter les occasions et les activités (principalement la marche et le vélo) susceptibles d’améliorer la forme physique, en réduisant les distances de déplacement vers les biens et services (services de proximités);

    L’agriculture : favoriser et encourager une agriculture de proximité et plus
    respectueuse de l’environnement, assurer la pérennité des territoires agricoles, mieux encadrer l’utilisation des pesticides;

    Les écosystèmes et la biodiversité : prioriser la conservation, la protection et la mise en valeur des écosystèmes, tenir compte de la valeur économique rendu par les écosystèmes et créer des corridors favorisant le déplacement et la pérennité des espèces;

    L’équilibre écologique : aménager le territoire en respectant la capacité de
    suppport des écosystèmes, lutter contre les espèces envahissantes et revoir nos pratiques en matière d’aménagement paysagé ;

    La sécurité des personnes : améliorer sans cesse et rendre plus efficaces les
    mesures d’urgence face aux perturbations et phénomènes environnementaux
    changeants et aux zones à risque comme par exemple les zones inondables, les
    îlots de chaleur;

    La participation citoyenne : encourager et favoriser une plus grande
    participation citoyenne dans l’aménagement du territoire;

    L’accès à l’information : avoir accès à toutes les informations de nature à
    protéger le droit à un environnement sain et équilibré qui est enchâssé dans notre Charte des droits et libertés de la personne depuis 2006.

    Les principes et la stratégie de développement durable que l’on retrouve dans la Loi sur le développement durable, article 6, alinéas a à p ne doivent pas s’appliquer uniquement au sein de l’Administration publique du gouvernement du Québec. Les municipalités, les institutions, les commerces et les industries doivent aussi s’approprier ces principes et cette stratégie de développement durable (respecter de la capacité de support des écosystèmes) dans l’intérêt des générations présentes et futures.

    Il est de notre responsabilité, en tant que citoyen, collectivité et surtout comme décideur, d’agir avec diligence. Se fermer les yeux et fuir nos responsabilités ne sont certainement pas les meilleures solutions. S’adapter en respectant la capacité de support des écosystèmes est certainement une avenue plus garante de l’avenir.

    Guy Garand
    Directeur général

    • Guy,

      Il y a trois ou quatre ans, j’ai numérisé les numéros de Franc-Nord et Franc-Vert couvrant 15 ans de publication (maintenant en ligne sur le site de Nature Québec). Ce faisant, je me trouvais à lire pas mal des textes, dont les éditoriaux. J’étais frappé de voir comment on pourrait les écrire et publier aujourd’hui… Même chose pour ce document de 2012, avec les distinctions suivantes: l’argumentaire s’insère dans celui du modèle économique actuel, source de nos crises; les solutions proposées ne tiennent pas compte de l’échéance fournie par les crises et par les projections de Halte à la croissance.

      Aujourd’hui, «mon sens» se trouve dans l’Annexe (et dans le livre!), à l’effet qu’il faut que la société civile reconnaisse que nous sommes rendus à l’échéance et qu’il faut agir – ou proposer d’agir – dans le respect de l’empreinte écologique, qui indique qu’il nous faut réduire notre impact par les deux tiers, et rapidement. Voilà ce que je propose que le mouvement environnemental (et d’autres) fasse. Le RNCREQ pourrait prendre un certain leadership dans cela, il me semble.

      • Alain Des Ruisseaux

        On doit réaliser qu’il faut que la société civile reconnaisse que nous sommes rendus à l’échéance et qu’il faut agir – ou proposer d’agir – dans le respect de l’empreinte écologique, qui indique qu’il nous faut réduire notre impact par les deux tiers, et rapidement, dites-vous.

        Dans un effort d’actualisation de ma comprehension de l’enjeu des changements climatiques, j’ai tenté de calculer mes emissions de GES et mon empreinte écologique; résultats: 10t de C02 et 3 planètes… De plus, je ne sais si ces approximations incluent tout ce qui supporte mon mode de vie social (éducation, santé, voirie, etc).

        À l’evidence, si je dois ramener cela a 2t de CO2 et à 1 planète, je devrai abandonner la voiture perso, les électroménagers, les appareils électroniques. J’aimerais bien garder une cuisinière et un mini frigo….

        Bref, à part un retour brutal à la Terre, puisque pour mitiger l’effondrement financier il serait sage d’acheter 5 hectares pour survivre a l’effondrement global (auquel je crois), que proposez vous?

        Entendez-moi bien, je ne cherche pas a être ironique et j’ai du respect pour la mission que vous embrassez. Je me propose d’ailleurs d’approfondir ma connaissance de votre message, comprenant que des synergies peuvent être possibles par le vivre ensemble (économie de partage, communes, villages en transition). On est quand meme paralysé par les perspectives.

        Bien a vous

        Alain Des Ruisseaux

        • Personnellement, seule la connerie me paralyse. La prise de conscience de la finitude (probable) de la civilisation moderne (ou d’Homo Sapiens Sapiens) est à mettre en parallèle avec la prise de conscience de notre propre mort. Elle se fait par à coups, chacun avec ses expériences et ses réflexions propres. Cette conscience est tantôt légère, tantôt lourde, quelques fois volontairement étouffée, d’autres fois crue. Mais rarement paralysante… Je vais mourir? So what?

          Sur une note amusante, voici une illsutration des phases du deuil civilisationnel conçue par Matthieu Van Niel.

          • À noter que le dessin développe la dernière étape, normalement laissée à « acceptation », et je pense que cela est intéressant, tout comme la réflexion de Lutz. Un adepte de la méditation, qui participait comme moi à un colloque récemment où nous nous trouvions à la fin ensemble sur un panel, s’est montré surpris de me voir avec un sourire plus ou moins constant en dépit de mes réflexions sur l’effondrement qui s’en vient.

            Ma réponse, un peu comme vous, est de souligner une réflexion qui devrait nous guider pendant toute notre vie (suivant Montaigne et son essai «Que philosopher, c’est apprendre à mourir». Auquel j’ajoute la réflexion de mes mentors philosophes grecques, Socrate, Platon et Aristote, qui ciblaient la vie «réfléchie» comme source de la possibilité de bonheur.

            Ajoutons que si nous vivions dans un bidonville d’un pays pauvre, le sourire viendrait moins facilement…

        • Comme j’ai indiqué à quelques reprises, le calcul de l’empreinte écologique du Québec a pris neuf mois de travail au sein de mon équipe; c’était complexe, suivant la méthodologie de l’organisme Global Footprint Network. On aboutit à une approximation du dépassement de la société par rapport à un équilibre planétaire et incluant une égalité entre les humains qui y vivent. L’effondrement ne survient pas en fonction de ce dépassement de la capacité de support (il nous faudrait actuelement environ une planète et demi pour le soutien de toute l’humanité) – mon meilleur sens de la situation – parce que nous nous arrangeons dans les pays riches pour maintenir une empreinte très minime par les milliards de pauvres de la planète.
          Faire ce travail sur le plan individuel me paraît de plus en plus clairement comme impossible, pour les raisons auxquelles vous faites référence. Toutes les infrastructures de cette société devraient être apportionnées quand à leurs exigences aux personnes résidant sur le territoire, et le calcul de cela me paraît hors de portée. Nous savons, par contre, que nous sommes déjà en dépassement de par notre mode de vie…

          Par ailleurs, et suggérant une autre approche, il faut reconnaître que l’empreinte écologique ne peut inclure les besoins en ressources minérales de cette société, celles-ci n’ayant aucun rapport avec les capacités de la biosphère. L’énergie fossile, minérale, devient critique à ce moment-ci dans l’effort de bien nous situer sur la planète, et il faut l’aborder autrement; l’empreinte tient compte seulement des émissions parce que celles-ci ont justement un impact sur la biosphère. Une prise en compte de notre recours aux énergies fossiles est ce que je propose dans mon livre, et c’est là où nous voyons que la planète ne va pas pouvoir continuer à nous fournir ces ressources indéfiniment. Nous nous approchons, en effet, vers la fin et l’effondrement, cela indépendamment de notre empreinte…

          Pour l’effort individuel face à cette situation, je suggère le commentaire précédant venant de Raymond Lutz pour quelques pistes.

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