Le dernier article de mon blogue comportait un graphique découvert lors d’un atelier sur les questions démographiques à la conférence des économistes écologiques et biophysiques en juin. C’est un thème qui me traque depuis des décennies et qui a trouvé une place sur le blogue dès le troisième article. Je faisais partie de Zero Population Growth dans les années 1970 dans la foulée de la publication de The Population Bomb de Paul Ehrlich en 1968 et, comme dans beaucoup de domaines, nous pensions qu’il y avait possibilité d’influer sur les tendances lourdes de la civilisation.
Aujourd’hui, les problématiques associées au thème sont bien différentes de celles de cette autre époque. Parmi celles qui retiennent l’attention actuellement, on trouve celle de la stablisation et le «déclin» des populations des pays riches et celle du maintien de la croissance démographique dans de nombreux pays pauvres. C’est probablement la Chine qui a attiré le plus d’attention au fil des années, avec sa politique d’un seul enfant par femme et la stabilisation prochaine de sa population qui en est résultée.
On appelle la transition à la stabilisation le « vieillissement » de la population, période pendant laquelle – pour ce qui concerne l’ensemble des pays, qui ont vu leurs populations doubler, tripler, voire quadrupler depuis la Deuxième Guerre mondiale – le bas taux de fertilité fait qu’il y a moins de jeunes en comparaison avec l’expérience récente et – en raison des « baby boom » connus par l’ensemble des pays – une cohorte de personnes âgées plus importante en proportion de la population. Seules des personnes qui pensent que la population humaine pourra continuer à croître sans limites critiquent cette tendance vers la stablisation et, nécessairement comme étape, le viellissement – sauf que ces personnes semblent représenter la vaste majorité.
J’étais quand même presque surpris de voir un segment de l’émission « PBS Newshour » porter, le 1er août 2016, sur « The Unprecedented Aging Crisis That’s About to Hit China ». La situation est en effet «sans précédent», une croissance démographique sans retenue ayant marqué l’expérience de vie de presque tout le monde vivant sur la planète aujourd’hui. PBS y interviewait Howard French, jusqu’à récemment chef de bureau à Shanghai du New York Times et auteur d’un article dans le numéro actuel du magazine The Atlantic[1] (juin 2016). En effet, « China’s Twilight Years » reprend les propos de l’entrevue, signalant le drame auquel la Chine fait face devant la stabilisation prévisible de sa population et le vieillissement conséquent en cours.
C’est clair qu’il y a drame, mais ce qui l’est moins est l’inconscience de French et de nombreux commentateurs face aux enjeux en cause qui n’y voient qu’un déclin, une crépuscule pour le pays… Principal défi : la Chine ne pourra pas trouver les travailleurs nécessaires pour mainteninr la croissance économique dans les prochaines années avec le déclin du nombre de personnes en âge de travailler, et il faudrait avoir recours soit à des robots, soit à une immigration importante. Et devant les nombres importants, comme pour tout ce qui touche la Chine, où vit 20 % de la population humaine mais probablement 300-400 millions de moins de personnes que s’il n’y avait pas eu la loi d’un seule enfant, French souligne la difficulté à imaginer d’où viendraient les centaines de millions de travailleurs manquants…
C’est une sorte d’échec et mat. Nulle part dans les propos de French trouve-t-on une reconnaissance que la Chine figure parmi les pays du monde ayant le moins de terres arables et le moins d’eau potable disponible par personne. Le livre que j’ai déjà commenté à au moins deux reprises, In Line Behind a Billion People : How Scarcity Will Define China’s Ascent in the Next Decade, fournit, en ligne avec le sous-titre, des perspectives sur les défis devant la Chine (tout comme pour un ensemble de pays face au même phénomène) qui n’existent pas dans la pensée de French. Elles rendent sa préoccupation, celle de la pensée économique, une lubie presque plus inquiétante que le drame lui-même.
En termes simples, un nombre important de pays, surtout mais non exclusivement les riches, vont se confronter à la stabilisation de leurs populations pendant les décennies qui viennent; le taux de fertilité dans ces pays a baissé à un point où il y a moins de naissances que de morts (et en raison de la structure d’âge des populations, ce taux est bien inférieur à ce que nous entendons souvent identifié comme le taux de remplacement des générations, un taux de fertilité d’environ 2). Ces pays devront s’adapter à cette situation, qui bouleverse toute la pensée économique des dernères décennies.
French possède apparemment une grande expérience de l’Afrique sub-saharienne, mais encore là, on doit bien présumer qu’il n’est pas encore rendu à réfléchir sur les projections fournies par le graphique de mon dernier article. Il serait intéressant de voir ce que French fait avec les projections pour une population dans le Sahel qui suggèrent des tendances lourdes vers une population de plus de 300 millions de personnes «vivant» dans une région du continent inhabitable en raison des changements climatiques et la hausse de température qu’ils vont apporter…
La population de l’Afrique est censée doubler (en ajoutant environ un milliard de personnes à la population actuelle) d’ici 2050, et l’Inde se situe dans la même tendance, sa population projetée à dépasser celle de la Chine d’ici quelques années. La pauvreté importante de ces pays – et la croissance démographique viendra dans les couches pauvres de leurs sociétés – représente un drame probablement bien plus important même que celui du vieillissement; que les analystes comme French n’y pensent même pas retarde d’autant une prise en compte du phénomène. Et on pense que l’Europe a du mal à gérer l’arrivée d’un million de réfugiés et de migrants actuellement…
[1] French ne représente pas, heureusement, une orientation profonde du magazine. Voir « The Most Important Film I’ve Seen in Years: ‘Last Train Home' » de James Fallows (juillet 2012) pour des perspectives autres de la Chine.
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Il serait intéressant de mieux connaitre comment le Japon « fait avec » le vieillissement de sa population.
Mais le Japon n’est pas la Chine.
Nous avons eu un échange sur le Japon il y a deux ans…
J’ai contacté un expert que j’ai rencontré à Washington en juin. Sa réponse: Le Japon (des îles) et la Corée du Sud (une péninsule) se plaignent de la baisse légère de leurs populations, même si ces deux pays sont en dépassement de leur biocapacité de 84% et 83% respectivement. La Chine l’est à 72%. Cela est selon l’Overshoot Index fait par son organisation, Population Matters, à partir de données du Global Footprint Network. L’indice mérite un coup d’oeil.
Mon contact, Roger Martin, président de Population Matters, a même produit un petit document qui présente les avantages d’une baisse de population. Le voici:
THE DEPOPULATION DIVIDEND
It is the wealthy countries which have reducing populations. Several are so concerned that they are introducing pro-natalist policies, such as incentives to increase the birth rate. They are ignoring the fact that age-imbalance is a temporary and inevitable final stage of the demographic transition towards a new, lower equilibrium. The numerous advantages of a reducing population are:
ENVIRONMENTAL
1. Improved bio-physical sustainability
Japan, Korea and Germany are 8th, 9th and 37th on the Overshoot Index (based on the 2012 Blue Planet Award-winning Global Footprint Network data). To become sustainable in the long term, they must reduce either their numbers or their resource consumption by respectively 86%, 84% and 57%. The more they reduce their numbers, the less they need reduce their consumption. (The still growing UK is in 19th place, and is 72% ecologically overshot).
2. CO2 emissions will reduce
Slowing climate change.
3. Pollution will reduce
Pollution on land, sea, and in the air causes thousands of premature deaths.
4. Wildlife habitat
The essential space needed by other species will be increased rather than eroded.
5. New technology environmental benefits
Such as power generation by wind will not be negated by ever-rising demand.
ECONOMIC
6. Full employment
Rising minimum wages; greater focus on skill development, training and apprenticeships; the contribution of older workers sought and welcomed; better incentives to improve efficiency, technology and productivity.
7. Improved food, water and energy security
There will be reduced exploitation of the resources of poorer countries, which need them for their own populations.
8. Stabilisation of resource consumption
This can still translate into rising GDP per capita.
9. Steady state sustainable economy
An opportunity and encouragement to transition towards sustainability.
10. The need to keep expanding infrastructure capacity will end
This dividend does not reverse as a population ages and far out-weighs the costs of ageing. Redundant infrastructure can simply be disposed of, or returned to open space.
11. Reduction of The level of personal debt
With more people at the asset accumulation phase of their life (later adulthood), and fewer in the heavily indebted phase (young adulthood), society can have a higher saving rate.
12. Care of the unfit old
Can be provided by the ‘fit old’, with improved technology (remote alarms, robots, etc). The rising costs of old age care can be partially offset by a reduction in the cost of child-care, child-health, and education.
QUALITY OF LIFE
13. Improved overall quality of life
There will be less traffic congestion, rail overcrowding, queueing, pressure on public services, and on waste facilities. Gardens, urban, green spaces, playing fields and local amenities will be better protected from development pressures
14. Focus on increased well-being rather than GDP
A good example from Japan is the new “Happiness League”, which is an association of municipalities for ‘Improving Residents’ Sense of Wellbeing’.
15. The return of real inheritance
Sufficient homes and public infrastructure can be gifted by one generation to the next, instead of the young spending a large proportion of their life’s earnings on new housing and infrastructure, and on paying down the public debt run up by their parents’ generation, with each generation carrying an accumulating burden from the last.
16. Reducing house and other commodity prices
Will reduce, thus improving real incomes, and allowing larger homes. Britain has the smallest homes in Europe – a known cause of stress.
17. Single child couples can save more
And so have a more comfortable old age.
18. Governments can afford to invest more in higher skills
With a better funded education budget.
Population Matters May 2015