La COP21 – et l’après…

Les articles récents produits pour ce blogue et ciblant les enjeux pour la COP21 ont été plutôt longs, plutôt compliqués, plutôt rébarbatifs pour certains lecteurs. À  l’arrivée de l’événement, j’ai saisi l’occasion de produire une version synthèse de mes réflexions, et de mes conclusions.

Tout d’abord, commercemonde.com, piloté par Daniel Allard, m’a offert une tribune pour un texte éditorial. Je me suis permis de centrer l’article sur une intervention du groupe financier Mercer, qui préparait déjà ses conseils pour les investisseurs en fonction de quatre scénarios, dont trois présumait l’échec de la COP21; Mercer soulignait que les engagements de la Chine dans l’entente «historique» de décembre 2014 comportaient une hausse de la température de 3°C… J’intitulais le texte «COP21 : un échec annoncé».

J’ai décidé par la suite d’adapter le réflexion pour un texte à soumettre aux journaux. Le Soleil a retenu le texte, et l’a publié le 2 décembre. Je l’intitulait «L’échec de la COP21 : le scénario du réel», ce que Le Soleil a modifié pour «Se préparer pour l’échec de la COP21».

US Energy Information Administration: projections jusqu'en 2035

Les suites

Voilà donc une lecture moins fastidieuse que celle des récents articles. Clé de l’analyse que je propose: un budget carbone calculé par le GIÉC et un travail d’allocation de ce budget par des chercheurs québécois. La conclusion me paraît incontournable..

Issue prévisible, presque inévitable, même si c’est sûr qu’il y aura une entente quelconque à la sortie de la COP21 : les pays riches vont décider de courir le risque de continuer à mitiger les impacts de leur développement économique en espérant que les pays pauvres seront forcés de rester dans leur situation de pauvreté relative. C’est ce qui marque nos relations depuis près d’un siècle (ou plus) et il y a peut-être de l’espoir à leurs yeux que le développement économique de la Chine et de l’Inde, pour ne mentionner que ces deux pays qui hébergent presque la moitié de l’humanité, s’effondrera. Sinon, les pays riches vont accompagner les pays pauvres dans l’effondrement.

Les conséquences de l’échec à Paris, les implications de cette conclusion, me paraissent également incontournables. J’ai eu l’occasion de les esquisser en répondant à une question d’un journaliste: «Est-il possible, comme le souhaite Mme Figueres, même si COP 21 n’atteint pas la cible, qu’on arrive au but lors des rencontres subséquentes, dans les années à venir?». La réponse:

Cela fait deux ans, à peu près, que les responsables français et des Nations Unies travaillent vigoureusement et bien pour que la COP21 réussisse; le rapport du GIÉC est sorti septembre 2013 et début 2014. Le calcul du budget carbone – admettons qu’il puisse être approximatif, comportant toutes sortes d’hypothèses, tout comme le travail du GIÉC en général – représente la balise de base, et non pas la date de la COP21.
Sauf que le budget carbone est contraignant dès sa conception, comme le montre l’article de Gignac et Matthews, et comme l’a souligné Figueres en admettant, à ma surprise, qu’ils n’ont pas réussi à atteindre la cible pour Paris en dépit de tous leurs efforts, et en dépit de l’urgence que les personnes qui connaissent le dossier reconnaissent. L’urgence vient du fait que les émissions sont toujours en croissance, et plus on tarde à les contrôler, plus le contrôle est difficile parce que plus le budget est diminué.
Le problème de base est qu’il n’y a presque personne qui veut reconnaître que nos économies dépendent presque absolument du pétrole et du charbon et du gaz pour fonctionner. La référence au court texte de Gaël Giraud aide à voir l’importance de ceci, même si on doit admettre qu’il critique la position de la grande majorité d’économistes (qui méritent d’être critiqués!); je prends l’échec des travaux de Jeffrey Sachs et du DDPP comme indication que Giraud a raison. L’argument à l’effet que les énergies renouvelables ne peuvent remplacer l’énergie fossile est peut-être plus compliqué, mais presque pas reconnu. La photovoltaïque fournit un rendement pas beaucoup plus élevé que les sables bitumineux, et dans les deux cas, le rendement est beaucoup trop bas pour maintenir les activités de nos sociétés comme l’énergie fossile le fait.
Plus nous tardons, plus l’impossibilité de maintenir notre activité économique deviendra évidente, je crois, et plus difficile il sera d’organiser la transition qui s’impose. Voilà à mon avis pourquoi l’échec de Paris représente un vrai échec et que l’idée de poursuivre les travaux comme avant représente une illusion.
Confronter l’échec: travailler pour une réduction de notre consommation d’énergie de moitié?
Presque la seule coupure que je vois dans la parution au Soleil est cette phrase:

Les manifs, les marches, les intenses efforts de sensibilisation auprès des populations menés depuis plusieurs années par une multitude d’organismes de la société civile, avec 350.org à la tête, ne tiennent tout simplement pas compte de cette contrainte [du budget carbone].

J’avais circulé un lien au récent texte de Gaël Giraud fourni par Thérèse Lavoie dans un commentaire sur l’article sur Dépossession, qui se penche sur la relation entre la croissance économique et l’utilisation de l’énergie, «l’élasticité» de la relation. Pour les économistes, cette élasticité est d’environ 10%, rien pour nous préoccuper; Giraud montre que c’est plutôt de l’ordre de 60%; il n’y aura pas de croissance virtuelle. Notre dépendance est ainsi soulignée, et il ne reste d’espoir pour les promoteurs de l’économie verte que la capacité des énergies renouvelables de remplacer l’énergie fossile – entendons-nous, à presque 100% – et cela à court terme, cela à l’échelle planétaire.
Il me semble raisonnable de présumer que l’ensemble de l’humanité ne réussira pas à se sevrer de l’énergie fossile à temps et que des perturbations importantes se profilent à l’horizon comme conséquence. Le Québec se trouve quand même dans une situation extrêmement favorable face à cette situation: pour le moment, nous avons des surplus d’électricité, et pour les moyen et le long termes, nous avons dans le réseau hydroélectrique un approvisionnement stable et fiable. L’alternative à l’espoir dans les énergies renouvelables semble s’imposer: commencer rapidement à planifier une diminution radicale de notre consommation d’énergie, ciblant environ la moitié en termes absolus = notre électricité. Il ne semble même pas nécessaire que cela comporte une transformation défavorable de la société…
On se souhaite bonne chance…
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Découverte, la Chine et la COP21

Le printemps dernier, le groupe financier Mercer a publié un rapport pour ses investisseurs qui ciblait les risques et les occasions d’affaires associés au changement climatique. Pensant à ce qui pouvait sortir de la Conférence des parties (COP) sur la question du changement climatique, le rapport formule quatre scénarios pouvant guider les décisions d’investissement: (i) Transformation, dans le contexte d’une hausse maximale de 2°C, (ii) Coordination (sic), en présumant d’une hausse de 3°C,(iii) Fragmentation avec dommages limités et (iv) Fragmentation avec dommages importants, ces deux derniers présumant d’un contexte d’une hausse de peut-être 4°C.

Le rapport de Mercer note que le respect de l’entente de décembre 2014, qui verrait la Chine maintenir son engagement «historique» de réductions à partir d’un pic de ses émissions en 2030, rendrait probable le scénario Coordination et une hausse de température catastrophique de 3°C…

Chongqing en 2010

La Chine mise au pilori par Découverte

Ce n’était pas dans mes intentions de regarder la trajectoire pour la Chine développée par le DDPP. Le visionnement de l’émission Découverte du 22 novembre dernier m’a changé d’idée. L’émission portait sur Solar Impulse 2, l’avion mu entièrement par énergie solaire, en train de faire le tour de la planète, et actuellement à Hawaïi en attendant le retour au printemps d’une météorologie favorable à la poursuite du voyage.

En soi, le projet est intéressant, réunissant de nombreux travaux contemporains en matière d’énergie renouvelable, en l’occurrence l’énergie solaire : le fuselage et les ailes de l’avion sont couverts de paneaux solaires pour capter le rayonnement et il est équipé de batteries capables d’emmagasiner l’énergie nécessaire pour le vol pendant la nuit. En général, l’initiative représente une aventure high tech qui cherche à relever le défi de faire le tour du globe sans énergie fossile.

L’émission prétend dès le début que le projet «démontre qu’il est possible de relever le défi des énergies renouvelables»; «l’objectif de ce défi historique est de prouver que les technologies propres permettent d’accomplir l’impossible et apporter des solutions pour une meilleure qualité de vie sur la planète» (texte tiré de la description sur le site). Ceci passe proche d’être une connerie, et il n’est pas digne de Découverte de se faire le promoteur sans nuances d’un tel discours.

Et voilà la raison de mon intervention. L’émission se transformait, finalement, en une tribune offerte aux deux grands responsables de l’aventure, Bertrand Piccard et André Borschberg, des personnes qui, dans les années 1990, ont réussi à faire le tour du globe en ballon. Lors de l’étape du voyage de Solar Impulse 2 passant par la Chine, un arrêt à Chongqing nous montre Piccard en train de traverser la ville en voiture alors que la ville connaissait une journée de smog important. L’aventurier se lance dans un discours soulignant comment l’énergie solaire (et les autres énergies propres) constituent la réponse aux problèmes du monde. L’animateur Charles Tisseyre intervient en décrivant l’arrivée en Chine :

Les choses sérieuses vont commencer. Avec 35 millions d’habitants, Chongqing [est] une mégalopole gorgée d’énergie fossile … et dont l’air est saturé de particules fines. Le projet prend ici plus qu’ailleurs tout son sens. (vers la minute 8).

Cela sert d’introduction pour Piccard, qui poursuit :

Tout ce qu’on voit ici pourrait très bien exister avec un taux de pollution acceptable, pourrait très bien exister avec très peu d’émissions de CO2, à condition que ces maisons [dont des édifices de 40 étages partout!] soient isolées [comme si elles n’en avaient aucune…], qu’elles aient du double vitrage, qu’elles puissent économiser du chauffage et d’air climatisé, à condition que toutes ces voitures soient électriques, à condition qu’on ait des systèmes d’éclairage au LED, de nouveaux processus industriels. Il ne faut pas se battre contre tout cela. Il faut simplement voir que cela peut exister avec 75% d’émission de CO2 en moins… Ça montre jusqu’où on peut aller dans le possible avec les technologies propres.

C’est indigne de Découverte que de diffuser de tels propos simplistes, voire méprisants, digne du discours d’anciens colonisateurs qui savaient en arrivant qu’ils comprenaient mieux que les colonisés ce qui était et est dans leur intérêt. Je me trouve à utiliser cette image exagérée tellement l’émission manque son coup ici – et cela à 10 jours de la COP21 où ces enjeux pas si simples que cela seront à l’ordre du jour.

Les défis de la Chine (qui sont les nôtres)

À aucun moment pendant l’heure les responsables de l’émission ne se pensent obligés de commenter le discours de Piccard, sauf en louanges. La Chine est pourtant parmi les plus importants producteurs d’énergie renouvelable au monde, que ce soit des chauffe-eau solaires qui se trouvent partout dans le pays, des parcs d’éoliennes qui se trouvent également partout, des usines de production de panneaux photovoltaïques – le pays est de loin le principal producteur de panneaux solaires au monde (voir par exemple ceci), cette situation contribuant à la baisse importante du prix de fabrication de ces panneaux, en raison du coût moindre de main-d’œuvre en Chine par rapport aux pays européens.

Même si Solar Impulse 2 finit par contribuer du nouveau dans le domaine de l’énergie solaire, il est tout simplement invraisemblable que celles-ci aient la moindre contribution à faire aux énormes défis auxquels la Chine est confrontée. Découverte a laissé passer le discours sur le potentiel des énergies propres et renouvelables pour laisser l’impression – c’était presque explicite – que Solar Impulse 2 offrait le potentiel de sauver le monde face aux changements climatiques et aux pollutions occasionnées partout par les énergies fossiles, cela par la contribution qu’il est en train de faire et qui n’est même pas expliqué en détail devant le plus grand intérêt de l’aventure elle-même.

Nul arrêt non plus pour une réflexion sur le fait que toute la recherche sur l’énergie solaire photovoltaïque [1] indique que son retour sur l’investissement en énergie, son ÉROI, est tellement bas, en bas de 5, qu’elle ne représente aucun avenir par rapport à nos énormes défis, quitte à reconnaître qu’elle offrira sûrement certaines opportunités bien spécifiques.

J’ai donc décidé de regarder le DDP pour la Chine, puisqu’il s’agit d’une composante d’une initiative très sérieuse qui cherche à s’attaquer aux défis esquissés par Piccard. Le rapport permet de situer le discours rêverie du promoteur de Solar Impulse 2. Cela sans oublier que, dès le départ dans le résumé exécutif, nous nous trouvons devant des orientations à l’échelle nationale qui visent, suivant le travail fait par le gouvernement de la Chine et la Banque mondiale, à rendre la Chine un pays à revenu élevé (comme nous…).

DSC06358Le rapport rend clair pourquoi le DDPChine n’arrivera pas à faire mieux que le DDPCanada face aux défis des changements climatiques, mais ce n’est pas parce que les responsables chinois manquent quelques éléments scientifiques et technologiques que Solar Impulse 2 pourrait leur fournir… En même temps, il ne fournit aucune information sur le niveau de réductions que la trajectoire pourrait atteindre et ne parle même pas du budget carbone et du défi de rester en-dessous de 2°C. Il faudrait embarquer dans des calculs pour y arriver; le rapport sort du moule du DDPP tellement un cas à part, cherchant à rendre sa population, 20% de la population mondiale, l’égale de la nôtre en termes de niveau de vie. Même si l’on n’arrive pas à un chiffre dans le document, l’entente Chine-États-Unis, repris plutôt dans le détail dans le rapport, nous en fournit. Le groupe financier Mercer l’a analysé et conclut, pour le rappeler, qu’il permettrait une contribution laissant la hausse de température à 3°C ou 4°C…

Finalement, le rapport DDPChina en est un d’un pays qui se voit comme à l’époque de Kyoto, n’étant pas ciblé pour les réductions requises des pays riches. En fait, depuis ce temps, la Chine est devenu un pays où l’empreinte écologique par personne et les émissions globales font qu’elle fait partie maintenant du problème et sujette aux réductions.

Ce qui manque à Solar Impulse 2

Piccard n’est même pas dans le jeu. La Chine veut devenir comme nous (une ancienne colonie voulant devenir comme les métropoles…), cela devant le défi impressionnant de le faire pour une population de près de 1,4 milliards de personnes, dont nous considérerions les trois quarts pauvres… Ses ressources sont limitées pour cela, tout comme le temps dont elle dispose en raison des contraintes résultant d’un siècle de développement extravagant des pays riches, fonction en grande partie des énergies fossiles. Une belle lecture de la situation est représentée par In Line Behind a Billion People: How Scarcity will define China’s Ascent in the Next Decade. C’est tout un contraste avec ce qui a été présenté de manière simpliste le 22 novembre…

En ce qui concerne les énergies renouvelables, le discours de Piccard et de Découverte profiterait de la lecture de L’âge des low tech, de Philippe Bihouilx, produit par un ingénieur qui connaît quelque chose des enjeux associés, entre autres, à la disponibilité (limitée) et à l’utilisation (problématique) des ressources impliquées nécessairement dans tout effort de développer les énergies renouvelables à grande échelle. Le livre commence à nous fournir quelques éléments du portrait de rareté que Piccard jette par-dessus bord (pour le ramener à terre/à l’eau avec l’image) dans ses propos. On peut en trouver le résumé dans deux chapitres qu’il a contribué à Creuser jusqu’où, récente publication chez Écosociété.

Plus généralement, ce qui manque dans le discours de Piccard est une reconnaissance des travaux du GIÉC qui seront au coeur des pourparlers (et de l’échec) de la COP21. Le GIÉC avait publié les différentes parties de son cinquième rapport d’évaluation de la situation en 2013 et 2014. Ce rapport tablait sur un consensus établi par les quelque 200 pays réunis dans les COP à l’effet qu’il est essentiel de garder la hausse de température sous les 2°C et calculait le «budget carbone» qui est en cause.

Il s’agit d’un nouvel élément dans les processus marquant nos décisions d’affaires et dans nos décisions comme sociétés, comme pays. Les représentants des gouvernements qui sont à Paris pour la COP21 pendant les 10 prochains jours se butent aux contraintes dramatiques qui sont en cause. Une étude québécoise nous fournit des explications de cette situation. En juillet 2015, Renaud Gignac et Damon Matthews ont publié leurs calculs sur les implications du budget carbone pour l’ensemble des pays sous le titre «Allocating a 2°C carbon budget to countries»; l’article est intéressant dans le contexte de ce billet par le fait qu’il suit la situation de la Chine à travers ses calculs. En bref: le respect du budget carbone dans le contexte du maintien de notre modèle de développement est impossible… On est loin du constat de Piccard: «Il faut simplement voir que cela peut exister avec 75% d’émission de CO2 en moins»…

 

 

 

[1] Charles A. S. Hall et Pedro A. Prieto ont fait une étude en fonction de données réelles pour l’énergie photovoltaïque installée en Espagne : Spain’s Photovoltaic Revolution : The Energy Return on Investment (Springer 2013). Ils avaient auparavant présenté un sommaire des résultats des travaux dans une présentation à l’Association for the Study of Peak Oil (ASPO) en 2011 et y fournissent les conclusions : l’ÉROI pour l’énergie photovoltaïque est entre 2 et 4, de la même importance que celle des sables bitumineux, et insuffisante pour soutenir la civilisation.

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La trajectoire pour le Canada du DDPP: on exploite les sables bitumineux, mais…

Les travaux du DDPP incluent des documents qui présentent des trajectoires possibles pour les 16 pays qu’il réunit pour le moment. Il établit le contexte pour son travail en divisant le budget carbone résiduel en 2050, tel qu’établi par le GIÉC, par la population projetée pour cette année; les principes de l’approche contraction/convergence sont implicites dans le calcul. Il s’agit d’une allocation de 1,7 t/personne pour toute l’humanité, alors que, actuellement, les Canadiennes sont responsables d’une consommation de 21 t/personne. Le travail du groupe canadien (qui n’a aucun lien avec le gouvernement) est d’identifier des pistes – une trajectoire – qui permettraient d’atteindre la cible, ce qui comporte une réduction de plus de 90% des émissions actuelles.

L’équipe a produit un rapport en septembre 2014 et a publié un rapport de deuxième phase en septembre 2015. Dans les deux cas, les rapports publiés ne sont que de quelques dizaines de pages, mais sont basés sur une documentation volumineuse qui ne semble pas être disponible.

Suncor Greenpeace

Concevoir l’avenir du Canada en fonction de l’exploitation des sables bitumineux

Tout le document de 2014 se fonde sur le jugement que l’exploitation des sables bitumineux constituera un élément de base de l’économie canadienne pour les prochaines décennies, ainsi «taking into account national socio-economic conditions, development aspirations, infrastructure stocks, resource endowments, and other relevant factors.»

The focus of this analysis has been to identify technically feasible pathways that are consistent with the objective of limiting the rise in global temperatures below 2°C. In a second—later— stage the Country Research Partner will refine the analysis of the technical potential, and also take a broader perspective by quantifying costs and benefits, estimating national and international finance requirements, mapping out domestic and global policy frameworks, and considering in more detail how the twin objectives of development [lire: croissance économique] and deep decarbonization can be met. (p.1)

Le rapport signale trois caractéristiques particulières pour le Canada: (i) la taille du territoire, le climat et – surtout, doit-on dire – l’importance du secteur de l’extraction des ressources, en particulier des sables bitumineux; (ii) la nécessité d’inclure à toutes les étapes des mesures technologiques pour contrer les émissions en cause; (iii) des contraintes politiques, économiques et technologiques importantes. Comme les auteurs soulignent:

It is important to remember that this pathway is not a forecast, but rather an illustrative scenario designed to identify technology-related needs, challenges, uncertainties, and opportunities. …  current political realities were suspended, and important assumptions were made …

The Canadian deep decarbonization pathway achieves an overall GHG emission reduction of nearly 90% (651 MtCO2e) from 2010 levels by 2050, while maintaining strong economic growth (see Table 1). Over this period, GDP rises from $1.26 trillion to $3.81 trillion (real $2010 USD), a tripling of Canada’s economy. (p.6)

Le travail, tenant compte du contexte fourni par une croissance démographique assez importante et cette augmentation majeure de l’activité économique, porte une attention particulière aux secteurs industriel et des transports; les perspectives pour les secteurs du bâtiment et des transports s’avèrent plutôt positives. Il identifie des interventions en matière de technologies, d’utilisation d’énergie et de structures économiques pour fournir les pistes permettant d’atteindre la cible.

Au Canada, les principales sources d’énergies deviennent les énergies renouvelables et la biomasse et, comme le texte souligne, le tout n’est pas dépendant d’une seule approche; différentes alternatives sont envisageables selon les circonstances. Complémentaire à ce changement de source d’énergie, l’efficacité énergétique et l’intensité en énergie de l’activité économique amène une hausse de seulement 17% dans la consommation d’énergie avec une hausse du PIB de 203% (p.7 – il semble y avoir confusion avec le 302% mentionné à la page 6).

Le portrait est hallucinant, mais l’objectif est de nous fournir les options envisageables dans le cadre de la volonté de maintenir la croissance; même la technologie de la capture et séquestration de carbone (CCS) n’est pas jugée essentielle, surtout devant le coût prévisible qui la rendrait non viable sur le plan commercial (p.12). Dans la trajectoire esquissée, la production de pétrole et de gaz double, mais c’est surtout pour exportation. Le recours à la CCS à un coût abordable est jugée essentielle dans le cadre d’une trajectoire qui restreint les réductions à des interventions canadiennes, cela en soulignant que la production de pétrole est surtout pour exportation et qu’une collaboration internationale est à rechercher à ce sujet (p.14).

Le rapport identifie quatre hypothèses pour gérer les incertitudes reliées aux secteurs problématiques: la demande pour le pétrole et le gaz va rester importante, même avec la décarbonisation profonde; toutes les réductions des émissions se font au Canada, un point de départ pour le DDPP mais jugé préoccupant; il n’y a pas de changement dans le commerce international pour l’économie canadienne; il y aura beaucoup d’innovation pour stimuler les réductions.

As mentioned previously, the Canadian deep decarbonization pathway assumes that international demand for crude oil and natural gas remains substantial. If international oil prices remain above the cost of production, continued growth of the Canadian oil sands sector (with decarbonization measures) can be consistent with deep emission reduction efforts and would support continued economic development.

The literature conflicts on whether production from the oil sands can be cost-effective in a deep decarbonization scenario; the answer depends on policy, the cost of reducing production emissions, and assumptions regarding transport energy use and efficiency. However, the International Energy Agency’s World Energy Outlook 2013 indicates that even in a 450 ppm world, oil sands production could remain at levels similar to today or higher. (p.12)

Finalement, ce premier jet conclut en soulignant que le coût des réductions dans les deux secteurs problématiques de l’industrie lourde et de l’extraction et du raffinage de l’énergie reste toujours très élevé. En dépit du constat que tout est possible, ils proposent d’y revenir dans la deuxième étape du travail, en ciblant le rôle d’une approche  internationale (en fait, un retour aux types de mécanismes associés au Protocole de Kyoto).

Le prix du pétrole plus déterminant pour l’économie canadienne que le défi de la décarbonisation profonde (p.22)

Dans le rapport de 2015, on projette les tendances actuelles vers 2050, sauf que la base des projections est le prix projeté du pétrole sur les 35 prochaines années: la structure de l’économie canadienne est tellement liée à l’exploitation des sables bitumineux que le rapport se trouve obligé de construire ses scénarios tout en soulignant que «dans un monde en train de se décarboniser, nous ne savons tout simplement pas comment la demande et l’offre pour le pétrole et pour d’autres biens intensifs en émissions vont interagir et où les prix vont se trouver» (19, 20).

Le rapport de 2015 comporte donc une première section sur l’impact du prix du pétrole sur le développement des sables bitumineux. Ce faisant, il donne suite au constat de 2014 à l’effet que le contexte international pourrait être déterminant pour la trajectoire canadienne, pensant à la nécessité de trouver les mesures les plus économiques pour les réductions des GES sans être obligé d’effectuer les réductions au Canada, surtout dans le secteur de l’extraction (sables bitumineux). En 2015, cette approche semble être transformée en partie en reconnaissant l’importance de la baisse dramatique du prix du pétrole sur l’économie canadienne, frappant directement le secteur de l’extraction mais également les industries lourdes.

Le DDPCanada part avec cette énorme incertitude pour l’avenir de l’économie canadienne, en utilisant le scénario de l’Office national de l’énergie (ONÉ) qui comporte l’hypothèse d’un prix bas pour le pétrole dans les prochaines décennies.

Reflecting the 2014 collapse in oil prices, we adopted the NEB [ONÉ] low price scenario, which at the time of report writing was the only publicly available and credible long-term forecast reflecting current market trends. In our reference case, the long-term price of oil stabilizes at a yearly average of $83 after 2030, rising from an average of USD $67 for 2015 (in 2014 dollars), driving 4.3 million barrels per day of oil production. Henry Hub natural gas prices are about USD $4.8 per million British thermal units (MMBTU) with production of 11 billion cubic feet per day. This reference case essentially has production ramping up to 2020 then more or less stabilizing in the longer-term, with GHG emissions more or less stabilizing from today. (p.11)

Avec la perspective pour un prix de pétrole qui reste bas, l’économie canadienne verra une exploitation des sables bitumineux d’environ 4,3 millions de barils par jour pendant les prochaines décennies. Reconnaissant la fragilité de la projection du prix, le DDPCanada formule un deuxième scénario avec l’hypothèse d’un prix à la hausse pour le pétrole, fondé sur la projection moyenne de l’ONÉ.

The basis for the high oil price assumption is the 2013 NEB [ONÉ] medium reference benchmark. In this scenario, oil prices climb to USD $114 in 2035, which we then assume remains constant through 2050. Oil production consequently increases to 7.6 million barrels per day by 2050. Natural gas prices rise to USD $6.7 per MMBTU and natural gas production increases to 17.4 billion cubic feet per day. In this scenario, emissions are about 20 Mt higher in 2020, but then stay about 50 to 60 Mt greater than the reference case to 2050 (Figure 3)…

Figure 5 compares the GHG trajectory of the two scenarios, highlighting the significant impact that oil and gas prices have on Canada’s emission trajectory through production and consumption. The net impact of higher oil prices and production is to increase Canadian emissions by 47 Mt in 2050 or 7 per cent. (p.11)

Il s’agit d’une exploitation 3 fois supérieure à ce qui se fait aujourd’hui. Dans les deux scénarios, les auteurs décrivent ce qu’ils jugent comme une vision plutôt réaliste de l’avenir en termes des politiques et des comportements actuels. Le prix plus élevé voit l’exploitation des sables bitumineux, et les émissions, augmenter. Le réalisme inclut le jugement que, comme c’est le cas depuis des décennies, les défis environnementaux ne changeront pas les orientations économiques.

J’inclus ici pour faciliter le suivi de l’argument un long extrait qui explique la pensée derrière les deux scénarios de référence (avec prix bas et pris élevé):

Overall, net emissions are dominated by the upstream fossil production in either oil price scenario, with transport emissions [en baisse] only somewhat offsetting upstream emissions [en hausse]. The key dynamics are threefold. First, the higher oil prices scenario drives more fossil energy extraction, boosting sector emissions relative to our reference case by 82 Mt in 2050, or 12 per cent higher. Second, there is an offsetting net effect on emissions as oil prices impact long-term technology deployment on the consumption side. Higher oil prices discourage the consumption of gasoline and diesel, with emissions in the NEB medium scenario down 4 per cent or 27 Mt. Ongoing energy-efficient regulations dampen the transport emissions rebound as the fuel economy of the transport fleet significantly improves to 2050. The large relative drops of GHGs in both scenarios reflect Ontario’s coal electricity phase-out, which delivers emission reductions before 2015, but also the federal coal-fire power electricity regulations that reduce the emission intensity of electricity after 2020, despite a 50 per cent expansion in electric demand between now and 2050. Third, changes to energy prices induce minor fuel switching and changes to emissions in other sectors of the economy, such as buildings and industry. (p.11-12)

Voilà pour le réalisme du rapport, qui suit ici la même approche que le Conférence Board. C’est cette vision à laquelle Dialogues pour un Canada vert prétend répondre... Le rapport conclut en retournant aux travaux sur les trajectoires de référence.

In sum, oil prices, and not national decarbonization policy, are the key determinant of Canadian oil production and therefore our regional economic structure. Overall GDP is relatively unaffected, but with strong regional effects. Domestic deep decarbonization is feasible in all cases. (p.23)

2015: La DDPC, la trajectoire pour le Canada: On cherche à atteindre la cible du GIÉC ou Comment réaliser la croissance économique en respectant un rôle important pour les sables bitumineux

Le texte poursuit en rappelant la cible de 1,7 t/personne, à partir de 21 t/personne aujourd’hui, et maintient le seuil de probabilité de 67% (contrairement à ce que le projet global du DDPP se trouve obligé de faire avec leur mise à jour globale de 2015). La travail tient compte d’une population qui aurait augmenté de presque 50% (33M à 48M) et use croissance du PIB per capita qui le verrait passer de $37,000 à $78,000, plus du double.
La trajectoire pour une décarbonisation profonde de l’économie canadienne comporte plusieurs politiques: réglementation la meilleure de classe: contrôle de l’intensité de consommation d’énergie et d’émissions pour les bâtiments, les véhicules et les appareils ménagers ainsi que pour le transport personnel et de marchandises; contrôles exigeant des réductions de 99% des sources de méthane que constituent les sites d’enfouissement et les industries; établissement du prix de carbone différencié entre l’industrie lourde et le reste de l’économie; politique d’aménagement du territoire qui intègre la prise en compte des émissions.
La trajectoire compte six composantes sous trois régimes. Le premier régime est constitué des tendances actuelles en mode hautement accélérée, et comporte des interventions dans les processus d’électrification décarbonisée, dans la productivité (ou efficacité) énergétique et dans l’étanchement des fuites dans les sites d’enfouissement et dans les équipements et infrastructures pour le gaz. Un deuxième régime est décrit comme «nextgen» – «prochaine génération» – et comporte des interventions ayant recours à des technologies non encore disponibles; il touche la développement de carburants zéro émissions pour les transports et des procédés industriels décarbonisés. Le troisième régime est structurel et touche le fonctionnement de l’économie en relation avec l’évolution du prix du pétrole; il s’agit de la première section déjà esquissée.
 Le transport comporte des incidences différentes dans l'exploitation des sables bitumineux...
C’est un ensemble de mesures extrêmement contraignantes, allant à l’encontre de ce que les auteurs jugent la norme par le contrôle extrême qui serait exercé par l’État. Ils laissent entendre – c’est très clair – que la trajectoire développée es plutôt illusoire…
Our analysis and modelling indicate that this is truly a stretch scenario relative to current and forecast policy stringency. … These rather aggressive measures need to be implemented essentially immediately if deep decarbonization is to be achieved by 2050, which we as analysts realize is pushing the limits of plausibility. (p.13)
Bref, ils réussissent à concevoir une trajectoire qui pourrait permettre les réductions de GES de 90% tout en maintenant l’activité dans les sables bitumineux. Par contre, cette trajectoire n’est tout simplement pas plausible. On se bute à la faille de tout le processus du DDPP: il s’agit d’un exercice qui cherche à fournir aux décideurs en ensemble de mesures qu’ils ne pourront pas mettre en oeuvre selon les conditions établies – du moins dans le cas du Canada. Devant l’échec, aucune piste n’est fournie pour les gestes qu’il faudrait poser dans le cadre d’une décroissance prévisible de l’économie.
et l’auto dans tout cela
Le Conference Board, se penchant uniquement sur le secteur des transports, n’a même pas jugé pertinent d’esquisser dans le détail un scénario qui respecterait le budget carbone. Il jugeait que les mesures requises seraient beaucoup trop contraignantes et autoritaires pour le cadre canadien. Le DDPP le rejoint dans son jugement à cet effet ainsi à l’effet que sa trajectoire n’est pas plausible, mais fonce dans le détail.
À travers le rapport, les perspectives pour les transports personnels sont jugés plutôt capables de progresser dans la bonne direction (p. 6, 29s.); cela serait justement en raison de l’ensemble d’autres mesures proposées. À l’instar du DDPP, nous sommes devant une des contraintes fondamentales dans les travaux visant la formulation d’un accord à Paris: des projections qui se butent à un monde inconcevable, où il y aurait, par exemple, des milliards de véhicules personnels (incluant 1,2 milliard high tech) circulant dans l’imaginaire à travers une activité économique mondiale trois fois et demi celle d’aujourd’hui, mais décarbonisée.
Nulle part dans les travaux ne voyons-nous une réflexion sur les implications de tout cela, avec la consommation de ressources que nous pouvons dire inimaginables; nulle part nous n’y trouvons une réflexion sur l’alternative qui s’imposera de force – ou possiblement avec notre intervention… – une restructuration de l’économie canadienne, de l’économie mondiale, de la civilisation contemporaine dans le cadre d’une baisse permanente et dramatique de son activité.
Finalement, c’est un peu le pendant du tableau de la Fortune 500, où onze des douze plus importantes corporations du monde en 2012 étaient dans le secteur de l’énergie (fossile). Le nouveau gouvernement Trudeau va-t-il vraiment abandonner le rêve d’exploiter les sables bitumineux, de maintenir l’industrie automobile? Déjà, nous voyons le DDPCanada se plier aux dérapages qui auront lieu à Paris et après.
La baisse du prix du pétrole pourrait entraîner l’abandon imaginable de l’exploitation des sables bitumineux et d’autres sources d’énergie non conventionnelle. Est-ce que l’abandon imaginable de l’industrie de l’automobile, complément de celle de l’énergie fossile, fait partie de la réflexion qui s’impose. Est-ce que cela préfigure l’effondrement de la production industrielle projetée par le Club de Rome dans Halte à la croissance?

Quand même, dans un prochain article: L’émission Découverte, et le DDP pour la Chine…

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Le DDPP: la décarbonisation profonde est «plus ou moins» atteignable

NOTE Le 3 septembre: David Roberts, blogueur de Grist pendant 10 ans et maintenant de Vox, avait souligné comme moi l’importance des travaux du Deep Decarbonization Pathways Project (DDPP) : il s’agit d’une initiative de dernière chance qui cherche à concilier les exigences du budget carbone du GIÉC avec la volonté de maintenir le modèle économique actuel fondé sur une croissance économique contre-intuitive devant l’ampleur du défi. Je l’ai contacté pour voir s’il en connaissait quelque chose concernant le retard d’une demi-année dans la sortie du rapport 2015, le délaissement du site web et une  adresse courriel qui ne fonctionnait pas. Pour moi, tous les moyens de contact étaient bloqués, les auteurs du rapport canadien ne répondant pas plus que ceux du DDPP. La réponse de son contact dans l’organisation n’a pas tardé: «The 2015 @Pathways2Decarb report will be released in late 2015 before COP21 & we’re relaunching the site in a few weeks!» – aucune explication fournie. Un résumé exécutif du document synthèse est sorti discrètement en septembre; on attend toujours le rapport lui-même.

En date du 25 novembre, le site web du DDPP est bloqué, avec le message (en espagnol): «Transferencia mensuel superada – Actualmente esta página se encuentra desactivada por haber superado la transferencia total contratada. – Por favor, vuelva a intentarlo más tarde. – Gracias por visitarnos.» Et il semble que le rapport promis pour le début de la COP21, le 30 novembre, n’est toujours pas sorti. Et voilà, en date du 27 novembre: le site est toujours bloqué en passant par une voie, mais est ouvert en suivant une autre; j’y trouve maintenant une version française du résumé exécutif 2015 que j’utilise pour fournir les citations en français dans mon texte, en laissant l’original en anglais.

Disons que c’est une initiative extrêmement exigeante, et que cela explique qu’il y ait des retards… Soulignons surtout que déjà le résumé exécutif de septembre nous informe que le DDPP a abandonné son objectif initial (voir plus bas). 

Le DDPP a publié son premier rapport (après un rapport préliminaire quelques mois plus tôt) pendant la rencontre aux Nations Unies en septembre 2014 convoquée par Ban Ki Moon pour préparer la COP21 et a promis, «dans la première  moitié de 2015», un rapport plus complet qui aborderait les enjeux sociaux, politiques et économiques encore plus problématiques que ceux, technologiques, du rapport de 2014:

In the first half of 2015, the DDPP will issue a more comprehensive report to the French Government, host of the 21st Conference of the Parties (COP-21) of the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC). The 2015 DDPP report will refine the analysis of the technical decarbonization potential, exploring options for even deeper decarbonization, but also better taking into account existing infrastructure stocks. At this stage, we have not yet looked in detail at the issue of the costs and benefits of mitigation actions, nor considered the question of who should pay for these costs. The 2015 DDPP report will take a broader perspective, and go beyond technical feasibility, to analyze in further detail how the twin objectives of development and deep decarbonization can be met through integrated approaches, identify national and international financial requirements, and map out policy frameworks for implementation. (p.vi-vii)

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Pour avoir une explication partielle de l’échec annoncée de la COP21, il semble utile de regarder l’état des travaux du DDPP sur 16 pays représentant environ 85% de l’activité économique mondiale et 75% des émissions, et en incluant les pays du BRICS. Je propose de le faire en regardant les sous-sections du court résumé exécutif publié en septembre; les rapports par pays sont également disponibles et je reviendrai plus bas sur celui pour le Canada. Les sous-sections se présentent sous forme de questions. (suite…)

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Le DDPP: la décarbonisation profonde est «plus ou moins» atteignable

NOTE Le 3 septembre: David Roberts, blogueur de Grist pendant 10 ans et maintenant de Vox, avait souligné comme moi l’importance des travaux du Deep Decarbonization Pathways Project (DDPP) : il s’agit d’une initiative de dernière chance qui cherche à concilier les exigences du budget carbone du GIÉC avec la volonté de maintenir le modèle économique actuel fondé sur une croissance économique contre-intuitive devant l’ampleur du défi. Je l’ai contacté pour voir s’il en connaissait quelque chose concernant le retard d’une demi-année dans la sortie du rapport 2015, le délaissement du site web et une  adresse courriel qui ne fonctionnait pas. Pour moi, tous les moyens de contact étaient bloqués, les auteurs du rapport canadien ne répondant pas plus que ceux du DDPP. La réponse de son contact dans l’organisation n’a pas tardé: «The 2015 @Pathways2Decarb report will be released in late 2015 before COP21 & we’re relaunching the site in a few weeks!» – aucune explication fournie. Un résumé exécutif du document synthèse est sorti discrètement en septembre; on attend toujours le rapport lui-même.

En date du 25 novembre, le site web du DDPP est bloqué, avec le message (en espagnol): «Transferencia mensuel superada – Actualmente esta página se encuentra desactivada por haber superado la transferencia total contratada. – Por favor, vuelva a intentarlo más tarde. – Gracias por visitarnos.» Et il semble que le rapport promis pour le début de la COP21, le 30 novembre, n’est toujours pas sorti.) 

Disons que c’est une initiative extrêmement exigeante, et que cela explique qu’il y ait des retards… Soulignons surtout que déjà le résumé exécutif de septembre nous informe que le DDPP a abandonné son objectif initial (voir plus bas). 

 

Le DDPP a publié son premier rapport (après un rapport préliminaire quelques mois plus tôt) pendant la rencontre aux Nations Unies en septembre 2014 convoquée par Ban Ki Moon pour préparer la COP21 et a promis, «dans la première  moitié de 2015», un rapport plus complet qui aborderait les enjeux sociaux, politiques et économiques encore plus problématiques que ceux, technologiques, du rapport de 2014:

In the first half of 2015, the DDPP will issue a more comprehensive report to the French Government, host of the 21st Conference of the Parties (COP-21) of the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC). The 2015 DDPP report will refine the analysis of the technical decarbonization potential, exploring options for even deeper decarbonization, but also better taking into account existing infrastructure stocks. At this stage, we have not yet looked in detail at the issue of the costs and benefits of mitigation actions, nor considered the question of who should pay for these costs. The 2015 DDPP report will take a broader perspective, and go beyond technical feasibility, to analyze in further detail how the twin objectives of development and deep decarbonization can be met through integrated approaches, identify national and international financial requirements, and map out policy frameworks for implementation. (p.vi-vii)

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Pour avoir une explication partielle de l’échec annoncée de la COP21, il semble utile de regarder l’état des travaux du DDPP sur 16 pays représentant environ 85% de l’activité économique mondiale et 75% des émissions, et en incluant les pays du BRICS. Je propose de le faire en regardant les sous-sections du court résumé exécutif publié en septembre; les rapports par pays sont également disponibles et je reviendrai plus bas sur celui pour le Canada. Les sous-sections se présentent sous forme de questions.

i. Est-ce possible de limiter le réchauffement planétaire à 2°C?

Le rapport synthèse de septembre 2014 partait des travaux du GIÉC calculant le budget carbone de l’humanité. Il identifiait l’objectif comme celui qui nous donne une chance raisonnable (67%) d’atteindre la cible de réductions et éviter une hausse de température dépassant les 2°C. Presque sans commentaire, le résumé exécutif de septembre 2015 marque un changement dans cet objectif, avec une présentation qui contourne la question et l’apparent échec:

DDPP cumulative emissions are not inconsistent with the 2°C limit, in comparison to an IPCC benchmark. However, since only 16 countries were covered by the DDPP analysis, demonstrating that staying within 2°C is likely will require understanding the decarbonization opportunities in non-DDPP countries, and may well require deeper emissions reductions than in the current pathways in the DDPP countries. The DDPP scenarios result in cumulative 2011-2050 emissions of 805 to 847 Gt CO2 from energy during 2010-2050. A context for assessing these emissions levels is found in the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Chantge (IPCC), which defines ranges of CO2 emissions associated with different likelihoods of limiting global warming to 2°C (Table 1). The difference between these benchmark values and DDPP cumulative emissions must allow for emissions from sources that were not analyzed, including land use and industrial process emissions, and most notably energy CO2 from non-DDPP countries…

It is not implausible that non-DDPP countries can achieve their economic development objectives while following emissions pathways that, in conbination with DDPP cumulative emissions, result in total global emissions in the probability range of «as likely as not» for limiting warming to 2°C… Deeper emission reductions in DDPP countries will also increase the likelihood of staying below 2°C.  (p.6)

Pas évidents ces «not inconsistent», «may well require deeper reducations», «not implausible» et «deeper emission reductions .. will increase the likelihood»: le DDPP nous informe que le résultat de ses calculs pour le rapport de 2015 permet d’espérer contrôler la hausse de température à 2°C avec seulement une probabilité «as likely as not» – 50%. C’est un changement important par rapport à l’objectif d’avoir une chance de 67%, tel que manifesté en 2014, et ce n’est pas la recommandation du GIEC, qui trouve «as likely as not» trop risqué.

ii. La décarbonisation profonde est-elle compatible avec le développement et la croissance économique?

Tout à fait conforme au modèle économique dont Jeffrey Sachs est un fervent promoteur, les travaux du DDPP insistent sur le maintien de la croissance économique, qu’ils confondent avec le développement. C’est un objectif qui paraît dans le livre de Sachs The End of Poverty, où le titre, comme malheureusement le livre, clochent avec la réalité; il est quand même encourageant de voir qu’ils semblent reconnaitre un besoin plus important dans les pays pauvres pour ce développement.

L’objectif de lier aux trajectoires pour contrer la hausse de température le maintien de la croissance économique, en dépit du constat de risque énorme que cela comporte, nous met en danger sérieux face aux résultats des travaux; ils ne nous laissent pas de porte de sortie par des pistes alternatives, pistes qui semblent s’imposer, devant la baisse de probabilité à laquelle se bute le DDPP.

In the DDPs, the energy systems were designed to support all the energy services needed to meet national objectives, including expanded access to energy in developing countries. Economies continue to transport passengers and ship freight, provide similar or better housing and public amenities, and support high levels of industrial and commercial activity. The lowest income countries assumed the GDP growth rates needed to meet their development objectives, and per capita energy consumption increased with the population’s access to energy services and higher living standards. The scale of infrastructure required to support these services is indicated by cumulative technology deployments over time aggregated across all the DDPs. For example, by 2050 the DDPs show a cumulative deployment of 3,800 GW of solar electricity generation and 4,100 gigawatts of wind, along with 1.2 billion electric, fuel cell, and plug-in hybrid passenger vehicles and 250 million alternative fuel freight vehicles. (p.8)

Le texte ne dit pas combien de véhicules mus par l’essence ordinaire s’y trouveront selon les DPP; il y a déjà plus d’un milliard de tels véhicules dans le monde… On reste plutôt abasourdi devant cette hypothèse de base du DDPP, que non seulement les pays pauvres mais aussi les pays riches vont maintenir une croissance économique qui sera globalement et en moyenne 3,1% par an sur 40 ans, pour aboutir à une augmentation du PIB de 350% d’ici 2050. Le texte fournit un bref argumentaire concernant tous les bénéfices de la croissance, ici quand même restreinte à ce qui est considéré comme au seuil de la récession sur le plan mondial. Et nous avons déjà appris que tout cela n’a qu’une chance sur deux de se faire dans le respect des contraintes climatiques (une des externalités de la croissance économique…). Le grand intérêt du DDPP était sa reconnaissance du budget carbone comme contrainte pour toute projection de la croissance économique, et il semble avoir échoué à défendre le modèle.

iii. La décarbonisation profonde est-elle abordable en termes de coûts?

Je me permets de tout simplement citer le document.

Deep decarbonization is essentially the process of improving infrastructure over time by replacing inefficient and carbon-intensive technologies with efficient and low-carbon technologies that provide the same (or better) energy services. In developing economies with rapid population growth, this means avoiding investments in carbon-intensive technologies and ‘leap-frogging’ the development patterns of the past century. At the global scale, this will require the deployment of vast amounts of new equipment based on clean technologies ranging from LED lighting to electric heat pumps, from hydrogen production to solar electricity generation. Achieving the required level of consumer adoption of these technologies will require an ongoing process of technology improvement and cost reductions in which policy will play a pivotal role. …

Under deep decarbonization, the scale of investment in low-carbon technologies will be orders of magnitude higher than current levels, creating major economic opportunities for forward-looking countries and businesses (Table 2). With money to be made, global finance can and will provide the necessary investment, provided adequate long term signals are in place to manage risk and maintain the value of the invested capital over time. …

A potential solution to reducing cumulative emissions from developing countries is for high income countries to take the lead in developing, deploying, and buying down the cost of low-carbon technologies, so that they become affordable earlier in developing countries relative to the cost of conventional technologies. (p.9-10)

C’est le plus près que le texte vient à une réponse à la question, et ce n’est pas une réponse. En fait, nous ne pouvons pas vraiment nous attendre à la présentation des coûts de ces transformations profondes des économies projetées sur des décennies dans le futur et dans un contexte de crise, et nous voyons ici que le DDPP ne fait que faire miroiter les avantages et les potentiels des changements requis – «en autant que des signaux sont en place pour gérer le risque et maintenir la valeur du capital investi»…

Il y a même une reconnaissance des tendances et des orientations contraires, et le résultat de ces quelques paragraphes est de nous laisser devant la situation bien connue, où les coûts encourus par les acteurs déjà en place se transforment en lobby contre le changement requis.

iv. Pourquoi l’établissement de trajectoires pour la décarbonisation profonde est-il essentiel?

La réponse à cette question rejoint celle du Conférence Board. C’est seulement avec une idée plutôt détaillée des conséquences de l’action habituelle, que nous pouvons espérer une réponse à la taille du défi. Le problème est que cette réponse doit s’inscrire dans le modèle économique qui constitue le fondement de la crise…

 

Demain: Le rapport du DDPP pour le Canada.

 

 

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Élections et vraies affaires

Le 10 octobre dernier n’était pas tout à fait ce que le gouvernement Couillard espérait en mettant l’économie avant tout dans sa campagne de 2014. D’une part, le ministre des Finances était obligé d’annoncer que les estimés de la croissance pour l’année étaient trop élevés, du 2% utilisé pour le travail sur le budget, le taux de croissance ne dépassera vraisemblablement pas 1,5%. Le même jour, Investissement Québec a confirmé ce qui n’était que rumeur : sans partenaire financier et sans acheteur pour le produit, il est obligé de repousser les échéances pour la mine Arnaud. La mine Arnaud était un élément clé du Plan Nord qui, à son tour, est un élément clé dans les orientations économiques du gouvernement.

Deux jours plus tôt, un article intitulé «Le monde saura-t-il éviter le pire?» couvrait les projections du FMI pour des baisses dans l’activité économique mondiale; le résultat pourrait être l’équivalent d’une récession mondiale et une baisse du PIB du Canada et des États-Unis de 1%, ce qui les amènera au bord de la récession aussi. Gérard Bérubé titrait sa chronique de la journée «Oiseau de malheur». Déjà, le 16 septembre, l’OCDE avait baissé ses projections pour la croissance au Canada, en accord avec ce que la Banque du Canada avait déjà fait.

L’économie dans la campagne fédérale

Cette sorte de nouvelles, jouant le jeu du suivi des données pour les indicateurs du modèle économique qui régie nos gouvernements et nos décideurs économiques et financiers, jouaient aussi pendant la campagne électorale fédérale. Nous connaissions déjà les orientations du gouvernement Harper à l’égard de l’économie. Thomas Mulcair en a pris une partie avec son engagement d’avoir un budget en équilibre pour sa première année (si élu), en dépit d’importanes promesses de dépenses. De son coté, Justin Trudeau chantait un autre refrain, toujours bien traditionnel : des dizaines de milliards de dollars en investissements pour les infrastructures assureraient une reprise de la croissance au Canada, même si cela nécessiterait des déficits pendant ses premières années en poste (si élu).

Il est de plus en plus reconnu que les enjeux environnementaux, longtemps considérés à part, jouent un rôle fondamental dans l’activité économique. Pourtant, les débats en matière d’environnement pendant la campagne, cela dans la tradition des dernières décennies, portaient sur des enjeux bien secondaires, (suite…)

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Images saisissantes, études presque inutiles

J’ai récemment eu l’occasion de regarder sur Explora l’émission Peuples des fleuves portant sur le Gange de l’Inde. Comme elle le devait, elle présentait le portrait d’un grand fleuve dont les origines dans les glaciers des Himalayas sont en régression, dont les abords sont peuplés de dizaines sinon de centaines de millions de personnes plutôt pauvres dans ce pays le deuxième plus peuplé du monde. Le fleuve est grossièrement pollué de toutes les façons imaginables et sur presque toute sa longueur, mais les nombreuses traditions religeuses associées à ce fleuve continuent dans leur tradition d’un fleuve dont l’eau est vierge tout en reconnaissant que ce n’est pas le cas.Célébration religieuse sur un ghat au bord du Gange, à Varanasi

 

Que pensent nos chercheurs et nos décideurs?

À peu près en même temps, un ami m’a rappelé le travail de la Banque mondiale depuis 2012 pour produire la série Turn Down the Heat; elle cible l’urgence de contrôler les changements climatiques et de régler la pauvreté trop présente dans le monde. J’ai regardé le rapport de la série qui était déjà dans mes dossiers, le rapport de juin 2013 portant sur l’Afrique sub-saharienne, l’Asie du sud-est et l’Asie du sud (et donc incluant l’Inde), me limitant au résumé exécutif. J’aurais pu continuer, comme j’ai fait l’été dernier avec toute la série de rapports préparatoires à la COP21 de Paris en décembre prochain, lire l’ensemble et les commenter dans une série d’articles pour le blogue. Finalement, après la trentaine de pages du résumé, je n’en avais pas le goût.

J’étais laissé plutôt songeur en voyant de si importantes institutions et des chercheurs chevronnés abonder dans l’optimisme devant les rapports accablants. (suite…)

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Catastrophisme pour de vrai

Dans mon récent article sur le livre de Naomi Klein, je soulignais que l’accent peut-être démésuré sur les changements climatiques risque de nous mener à ne pas voir l’ensemble des crises qui sévissent, qui interagissent et qui ne se comprennent pas en isolation. En contrepartie, je rappelais le travail du Club de Rome dans Halte où plus d’une centaine de composantes interagissanes de notre civilisation sont traitées ensemble par le modèle, d’où des projections qui me paraissent toujours assez bien fondées.

Pierre-Alain Cotnoir m’a posé des questions en réaction (le 20 juillet) :

Je partage votre réalisme et du même coup je suis curieux de connaître votre appréciation de deux contributions. La première, c’est celle du Dr. Guy R. McPherson, auteur de Going Dark où il défend la thèse d’une humanité vouée à l’extinction à fort brève échéance (http://www.guymcpherson.net/books.html). La seconde, c’est celle du site Arctic-News (http://arctic-news.blogspot.ca/) animé par l’énigmatique Sam Carana (existe-t-il vraiment ou est-ce un collectif qui se cache sous ce nom?).

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Je ne connaissais ni McPherson ni Wadhams ni Carana, et j’ai regardé ce que les liens fournissaient comme introduction à leurs positions. C’est en effet dramatique, mais je me suis donné du temps pour réfléchir avant d’essayer de fournir une réponse probablement banale de toute façon. Un échange avec un autre lecteur pendant ce temps a souligné que mon blogue, qui critique sans proposer des solutions à une longue série d’interventions (Klein, Rifkin, Lovins, Villeneuve, Favreau et d’autres) donne l’impression que j’ai abdiqué (voir ma réflexion sur le livre de Claude Villeneuve, Est-il trop tard ?) et proposait que je lance des idées encourageantes.

Un des objectifs de ce blogue est d’essayer de faire réfléchir de nombreux intervenants qui, ensemble, pourraient bien dessiner des pistes d’attaque pour nous préparer pour l’effondrement plutôt que pour la transition (plutôt en douceur…) dont de nombreux auteurs parlent constamment et patiemment. (suite…)

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Les solutions existent…

Tel est le discours omniprésent non seulement au sein des groupes environnementaux mais également chez de plus en plus d’intervenants aujourd’hui qui deviennent de plus en plus conscients des crises qui sévissent, environnementales bien sûr, mais également sociales et économiques. Deux récents éditoriaux percutants de Guy Taillefer dans Le Devoir s’insèrent dans cette mouvance et soulignent la situation que j’ai décrite récemment en commentant le nouveau livre de Naomi Klein, This Changes Everything. Le premier éditorial brosse un tableau des crises de l’eau, le deuxième offre quelques perspectives de solutions possibles. Tout en étant impressionné par ces interventions, je me sens interpellé.

Les solutions existent depuis longtemps

J’avais justement décidé cette semaine de passer au recyclage plusieurs séries de magazines conservées sur les tablettes de ma bibliothèque depuis des décennies, n’ayant plus de place pour des ajouts. Déjà pendant l’hiver j’avais décidé de passer à l’action en numérisant les anciens (85) numéros de la revue de Nature Québec, d’abord Franc-Nord et ensuite Franc-Vert, qui ornaient ma bibliothèque mais qui prenaient de la place. Ils seront mis en ligne par l’organisme sous peu. Ce ne sera pas le cas pour Nature Canada, Québec Oiseaux, Environnement (pour les numéros avant 2007), Equinox, Canadian Geographic et plusieurs autres, qui se trouvent dans le bac de recyclage en attente de la prochaine collecte.Solutions Pâques

J’étais particulièrement intrigué de voir les numéros d’Environnement, datant des années 1990 mais rendu aujourd’hui à son 57e numéro, avec un sous-titre: Science and Policy for Sustainable Development). Ils étaient (et le sont toujours) publiés par un obscur éditeur et dont je ne me rappelle même plus d’y avoir été abonné. J’ai relu un premier article de page titre de 1995 sur la dégradation des terres agricoles dans les pays «sous-développés», et j’étais frappé de voir, tout au long de l’article, la minimisation, par le processus de mentions d’exception, des grandes problématiques identifiées. L’article souligne entre autres comment un projet réussi par une minorité au Kenya (dont la population va doubler d’ici quelques décennies) démontre que la question de surpopulation ne mérite pas trop de préoccupation. Je vais lire dans les prochains jours les numéros sur le sommet de Rio (1992) et sur le Jour de la Terre 25 (1995)… (suite…)

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Tout peut changer, de Naomi Klein : Tout change, mais rien ne suggère que tout peut changer comme on veut.

En 1966, après la naissance de nos deux enfants à 15 mois d’interval, mon épouse et moi avons décidé d’arrêter la famille à 4. Plusieurs raisons jouaient un rôle dans la décision, mais pour moi, c’était la conviction que deux enfants étaient une limite dans un contexte de crises environnementales empirées par la croissance démographique. Il était fascinant, 50 ans plus tard, de lire dans ce contexte This Changes Everything, de Naomi Klein: après plus de 400 pages de cette intéressante présentation du défi des changements climatiques, Klein débute le Chapitre 13, le dernier, sur le droit de se régénérer, avec la narration de ses difficultés, à la fin de la trentaine, dans l’effort de concevoir un enfant. Elle décrit dans ces pages sa réaction à l’époque aux échanges avec des environnementalistes dont les propos portaient sur nos responsabilités envers nos enfants et nos petits-enfants. Elle trouvait dans sa réaction personnelle de ne pas être mère une source de réflexion sur les maux qui affligent la planète et y voyait le reflet d’une sorte de syndrome d’infertilité de la planète elle-même. Nulle part, par contre, ne paraît une indication que parmi les principaux défis de l’humanité actuellement est le défi de sa grossière fertilité, où, par exemple, l’Inde ajoute à sa population (surtout à sa partie pauvre) environ 55,000 personnes net par jour

Photo Marie-Josée Bergeron à la gare de Varanasi en Inde, le 18 février 2014 Je n’arrive pas à éditer le texte ci-dessus, qui devait se lire comme suit: L’inde connaît une croissance démographique d’environ 20 millions de personnes par année, alors que la Chine est en voie de stabiliser sa population, mais cela à environ un milliard et demi de personnes (contre environ 500 millions il y a un demi siècle). Les défis pour les deux pays restent énormes, alors qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires sur leurs territoires respectifs pour assurer un bien-être minimal à leurs populations. Pour une analyse en profondeur de ces enjeux, voir The Security Demographic: Population and Civil Conflict after the Cold War, par Richard P. Cincotta, Robert Engelman and Daniele Anastasion (Population Action International, 2003). Le document n’est plus disponible en ligne, et je l’ai donc rendu disponible sur mon site, à http://www.harveymead.org/wp-content/uploads/2013/06/Security-Demographic-2003.pdf.

J’attendais ce dernier chapitre, et la Conclusion, pour mieux saisir le positionnement ultime de Klein face au sujet du livre, les changements climatiques qui menacent à court terme l’avenir de l’humanité. Un sens du temps parcouru me frappait: Klein ne réalise pas que les «générations futures» de la Commission Brundtland ne sont plus nos enfants et petits-enfants, mais des gens de l’âge de Klein – elle est l’enfant de Brundtland, et son livre montre jusqu’à quel point Brundtland voyait juste. Ses engagements pour son enfant (elle a finalement réussi) doivent être, finalement, pour elle-même.

Comment se positionner

La situation me rappelle celle de David Suzuki, dont je suis les analyses des problématiques environnementales sur The Nature of Things depuis probablement plus de 30 ans (tout comme celles de Klein, sociales et socio-économiques, depuis près de 20 ans et la publication de No Logo). C’était la fille de Suzuki qui a livré le plaidoyer pour les jeunes au Sommet de Rio en 1992 et qui est revenue, avec son père, pour condamner l’échec de l’humanité dans les vingt ans qui suivaient, lors d’interventions à Rio+20 en 2012.

J’attendais la chance de lire le nouveau livre de Klein depuis plusieurs mois, et les 300 premières pages me rejoignent presque au paragraphe près. (suite…)

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